Mise en scène de l'ethos et figuration de l'autre dans les stratégies énonciatives de lutte et de coopération: deux polémiques des années quatre-vingt-dix au Québec

Mise en scène de l'ethos et figuration de l'autre dans les stratégies énonciatives de lutte et de coopération: deux polémiques des années quatre-vingt-dix au Québec

La visée générale du projet de recherche est l'analyse des modalités rhétoriques et énonciatives par lesquelles s'organisent les stratégies de lutte et/ou de coopération entre des énonciateurs en situation de conflit. En analysant dans le détail un corpus varié d'interventions écrites produites au cours de deux polémiques importantes du Québec des années 1990, la recherche examinera par quelle série de procédés se négocient, dans le discours, les rapports de force et les «rapports de place» entre les protagonistes. 

Les deux polémiques étudiées forment un corpus de 120 textes environ, très diversifiés, tant du point de vue du style et du genre discursif que de la provenance et de la tendance idéologique de leurs auteurs. La première séquence débute avec la publication, en 1991, d'un article de Mordecai Richler, tandis que la deuxième a pour origine la publication, en 1996, d'un essai de Monique LaRue. Ces deux séquences sont très riches et révélatrices puisqu'en elles se sont cristallisées des antagonismes irréductibles portant sur la question nationale, plus précisément sur l'identité des Québécois, sur la langue, sur les traditions culturelles et sur l'éventualité de la séparation du Québec. 

L'originalité du projet repose sur le fait qu'il ne tiendra aucunement compte des idées défendues par les clans en présence. En effet, ne sera évalué aucun des aspects concernant le contenu des discours concernés. En revanche, seront analysés les procédés langagiers (rhétoriques, pragmatiques, énonciatifs) mis à contribution dans le cadre des stratégies discursives destinées à marquer des zones d'alliance et de divergence entre les protagonistes. Puisque ces polémiques sont avant tout des faits de discours mettant en jeu des questions symboliques et idéologiques à incidence existentielle très poussée, il s'agira d'examiner comment s'est élaborée, dans l'acte de discours, la zone de différenciation entre l'ami et l'ennemi (ou toute autre position intermédiaire). 

Ainsi, c'est du côté de la dimension proprement interlocutoire de l'échange conflictuel que se concentrera le travail d'analyse. Tous les aspects du conflit reliés à la valeur et à la teneur épistémique, logique ou cognitive des modes d'argumentation seront écartés au profit des aspects proprement déontologiques de la question. C'est la relation entre soi et l'autre qui sera étudiée à travers ses manifestations langagières, problématique qui peut être abordée à partir de trois aspects complémentaires :

  1. la manière dont le sujet-énonciateur développe son ethos et plus généralement sa posture illocutoire; 
  2. la manière dont il interprète la place occupée par l'autre sur l'échelle qui passe de l'ami à l'ennemi; 
  3. la manière dont son discours met en jeu implicitement ou explicitement des règles d'interlocution qui tracent le motif d'une conception de la discussion et orientent celle-ci du côté de stratégies de lutte ou de coopération. 

La portée du projet est double. D'une part, il permettra de jeter un regard nouveau sur un conflit structurant de la société québécoise. D'autre part, il donnera des ressources pour faire avancer notre compéhension des mécanismes d'engendrement de la polémique en général. Dans la pratique comme dans la théorie, il y a là l'occasion de penser avec méthode le processus de mise en oeuvre d'une éthique de la discussion et la nature des obstacles rencontrés dans ce processus.

Chercheur principal

Financement

  • Subvention ordinaire de recherche (CRSH)
    2004-04 - 2008-04