La mobilité sociale et ses enjeux en littérature québécoise (1846-2022). Une analyse du transclassement

La mobilité sociale et ses enjeux en littérature québécoise (1846-2022). Une analyse du transclassement

Ce projet de recherche analysera la représentation de la mobilité sociale en littérature québécoise, par le truchement du concept de « transclassement » (Jaquet, 2014). Ce dernier sert, en philosophie et en sociologie, à nommer le récit particulier du sujet qui passe d’une classe sociale à l’autre. Par conséquent, sans contester la fameuse « lutte des classes », le transclassement constitue une adaptation de cette lutte à la « société des individus » (Elias) postmoderne et son analyse se penche donc sur des témoignages individuels, souvent littéraires, pour en illustrer la productivité. Ces témoignages deviennent les révélateurs de la sédimentation sociale postmoderne. Or, les travaux sur le transclassement ont jusqu’ici été peu développés par les études littéraires, même si les objets analysés avaient une forte composante littéraire. Plus encore, le concept a été élaboré surtout depuis des exemples européens, majoritairement français. Dès lors, deux objectifs principaux guideront ce projet : mettre à contribution les outils théoriques des études littéraires dans l’analyse du phénomène du « transclassement ». Il s’agira à cet égard de théoriser le « récit du transclassement » que le projet établira grâce à une comparaison avec une forme plus traditionnelle, le « récit de formation » (bildungsroman). Le second objectif entend aborder le concept du transclassement avec l’exemple québécois, en tenant compte de l’organisation et de la mobilité sociale très différente de celle en place en Europe. Fort de l’expertise des cochercheur·ses, le projet analysera un large corpus échelonné dans le temps (1840-aujourd’hui). Le transclassement se trouvera éclairé par la lecture de ce corpus québécois et en retour, le corpus québécois sera éclairé par le concept du transclassement. Pour nous guider, nous formulons trois hypothèses sociohistoriques : nous postulons que le transclasse est représenté comme « squatteur » dans les premiers temps de la littérature québécoise (avant 1903), ce qui signifie que son passage d’une classe à l’autre est donné à voir comme « usurpation » ou « trahison ». Le transclasse, ensuite, jusqu’aux années 1960, se trouve placé dans une situation où les codes sont en conflit, conformément au concept d’A. Belleau (1986) : la représentation du transclasse s’ancre alors dans une classe populaire pour s’exprimer depuis une classe dominante, ce qui crée une distorsion en raison de l’inadéquation entre la réalité exprimée et le code utilisé pour en rendre compte. Enfin, le récit du transclasse se « normalise » en ce qu’il reprend les motifs déjà repérés par Jaquet et al. dans la culture française : ce transclasse sera trans, en se définissant par sa classe d’origine depuis une position sociale plus élevée; il n’y a plus de conflit entre les identités, mais des allers-retours. Le projet de recherche entend remettre la question des classes sociales au cœur des recherches en études culturelles et du discours public. Pour ce faire, nous organiserons, dans quatre villes canadiennes (Trois-Rivières, Sherbrooke, Montréal, Kingston), des tables rondes réunissant des auteur·rices québécois·es contemporain·es, dont les témoignages feront l’objet d’un numéro de revue culturelle. En outre, au terme de ce projet, les cochercheur·ses auront soumis conjointement un article savant à une revue européenne et auront coorganisé un grand colloque sur les classes sociales québécoises; deux cochercheur·ses auront présenté une conférence conjointe devant un public de spécialistes et un séminaire de deuxième et troisième cycles universitaires aura été tenu; enfin, un ouvrage savant présentant les analyses du projet et les apports du colloque sera en préparation.

Chercheur principal

  • David Bélanger

Cochercheurs

Financement

  • Subventions de développement Savoir (CRSH)
    2024-06-01 - 2026-05-31