Monstres devenus fantômes : analyse queer des premiers romans de Marie-Claire Blais (1959-1970)

Monstres devenus fantômes : analyse queer des premiers romans de Marie-Claire Blais (1959-1970)

Ce projet de recherche a pour objectif de revisiter les premiers romans de Marie-Claire Blais et leur réception afin de les relire à l’aune des théories queer, qu’Alex Noël entrecroisera avec différents discours théoriques sur le roman québécois, dont il est spécialiste. Ses recherches antérieures sur le roman québécois lui ont permis de découvrir que l’œuvre blaisienne entretenait un rapport plutôt trouble avec les différentes notions mises de l’avant au fil du temps par la critique pour saisir le roman moderne québécois, et ce, tant du côté de la critique universitaire que de celle chargée d’effectuer la première réception. De 1959 à 1970, la critique chargée de réceptionner les œuvres dans la presse écrite adresse une série de reproches aux neuf premiers romans de Blais. Ces derniers seraient tantôt trop négatifs, s’attaqueraient à la figure de l’Enfant, ne seraient peuplés que de « monstres » et, pour finir, ne seraient pas de véritables romans, comme si à la monstruosité de leurs personnages correspondait une forme jugée elle aussi monstrueuse, pervertie, anormale. Or, ce qui fascine à la lecture de ces comptes rendus, c’est que toutes les notions que la critique québécoise convoque dans la décennie 1960 pour adresser ses remontrances aux romans blaisiens, loin d’incarner des faiblesses, s’avèreront être, deux décennies plus tard, des notions centrales en études queer. En effet, tant la négativité (Butler; 1990), la critique du futurisme reproductif contenu dans la figure de l’Enfant (Edelman; 2004), le « camp » – qui est une variation queer du kitsch – (Sontag; 1964) ou encore la monstruosité (Preciado; 2019) deviendront des notions au fondement de l’identité queer selon les différents spécialistes. Pourtant, bien qu’elle devienne une dimension centrale dans l’œuvre blaisienne, la question de l’homosexualité (et plus largement du queer) n’apparaît pour la première fois à visage découvert qu’en 1972 avec la parution du roman Le loup et la critique ne l’a pas en tête lorsqu’elle réceptionne les romans antérieurs. L’une des hypothèses de Noël est donc qu’il y aurait une dimension queer qui s’inscrirait en filigrane dans l’œuvre de Marie-Claire Blais, depuis son tout premier roman, soit La belle bête, paru en 1959, et qui en modulerait les différentes composantes. Ce queer implicite expliquerait pourquoi les notions mises de l’avant par la critique universitaire pour parvenir à une définition du roman moderne québécois, que ce soit le « ti-pop » (Nepveu; 1988), « l’immaturité » (Marcotte; 1976), ou encore la notion de « romancier fictif » (Belleau; 1980), sans être inopérantes, ne recoupent que partiellement les données internes de l’œuvre de Marie-Claire Blais, au contraire de celles de ses contemporains (Ducharme, Roy, Hébert, Aquin, etc.). Le but de ce projet est de dégager cette dimension queer et de la lier aux notions mises de l’avant par les spécialistes afin de de voir en quoi elle participe d’une forme particulière de roman, propre à cette écrivaine, et que l’on a rangé du côté de la « monstruosité » ou encore de « l’anormalité ».

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    2025-04 - 2028-04