Constitution et réception de l'imaginaire nordique dans la littérature québécoise du XXe siècle
Ce programme s’inscrit à la fois dans l’analyse de la lecture des formes et figures de l’imaginaire littéraire et dans l’étude de l’histoire de la réception de la littérature québécoise. Il vise à interpréter la constitution et la réception d’un imaginaire nordique dans la littérature québécoise du vingtième siècle, à partir de Maria Chapdelaine, des premiers romans nordiques de Maurice Constantin-Weyer jusqu’aux textes de la période contemporaine, en passant par Yves Thériault et Gabrielle Roy. Il contribuera aux études récentes sur le fonctionnement des figures imaginaires dans les espaces exotiques. Si l’étude de l’imaginaire nordique s’est développée ailleurs dans le monde au cours des dix dernières années, au Québec le Nord est le plus souvent resté l’objet des géographes, ethnologues et linguistes.
Le Nord constitue un espace mythologique travaillé par des siècles de figures imaginaires, à partir des récits grecs en passant par les textes bibliques, les sagas nordiques et les récits des grands explorateurs. Au vingtième siècle, le Nord représente un espace de conquête fuyant qui se défile toujours plus haut à mesure qu’on l’approche : c’est le cas, par exemple, du père Chapdelaine qui quitte sans cesse sa terre pour l’établir plus loin, bien que cet espace soit peu propice à la culture. Le Nord possède aussi ses grands schèmes, dont celui du froid, de l’extrême des températures, de la lumière et des saisons, de la blancheur, de la solitude et de l’exotisme d’un désert. Ses représentations contemporaines les plus frappantes sont disparates, elles vont des récits ethnologiques de Knud Ramussen et de Paul-Émile Victor aux romans de Knut Hamsun, Yves Thériault et Margaret Atwood, en passant par le film Nanook of the North (1922) de Robert J. Flaherty et les tableaux du Groupe des Sept.
Quoique l’espace septentrional soit un élément essentiel de l’imaginaire poétique québécois, il se problématise aussi dans les récits, dans lesquels la lecture permet de composer un espace complexe qui renvoie aux grands mythes boréaux. Bien que le territoire québécois puisse lui-même être considéré nordique, l’imaginaire du Nord renvoie à une géopoétique qui s’inscrit toujours plus haut, plus loin, hors des référents réalistes, notamment parce que peu de lecteurs ou d’écrivains ont véritablement connu les espaces arctiques : « le pôle Nord, écrit Élise Turcotte, se trouve quelque part dans notre cerveau ». Ce « pays du jour noir et de la nuit blanche », comme l’écrit Pierre Perrault, participe des grands mythes et fonde un espace imaginaire essentiel à l’identité québécoise. Chez les écrivains québécois d’autres latitudes, l’espace arctique se rapproche du Sud et c’est Montréal qui devient polaire tout en se juxtaposant parfois à l’imaginaire, tout aussi mythique, du désert du Sahara et de ses oasis.
L’objectif de ce projet est d’étudier la constitution et la réception d’un imaginaire nordique dans la littérature québécoise en analysant les œuvres à composantes nordiques, de manière à déterminer les éléments et le fonctionnement de l’espace imaginaire du Nord et à mesurer, à l’aide de la réception critique de ces œuvres, son importance institutionnelle. Pour ce faire, on fera principalement appel aux théories de la lecture, de la constitution de l’imaginaire et de la réception littéraire.
Chercheur principal
Financement
-
Subvention ordinaire de recherche (CRSH)
2002 - 2005