Une géographie des réseaux de production et de diffusion de la fibre dans l'art moderne et contemporain au Québec
Depuis une vingtaine d'années, la revitalisation des pratiques artisanales suscite un engouement croissant dans la culture populaire chez les jeunes de moins de quarante ans. Leurs adeptes développent des réseaux et des communautés de pratiques qui occupent différents espaces publics contemporains : les cafés, les boutiques et le web. La lenteur des procédés constitue une forme d'autonomisation et de contestation des critères d'efficience et de performativité, moteurs de l'économie capitaliste. Chronophages et hédonistes, ces activités constituent des formes de réappropriation de soi tout en proposant une redéfinition des sphères d'activités genrées.
Parallèlement à ce mouvement populaire, plusieurs artistes nourrissent un intérêt pour la « requalification » (reskilling) de savoir-faire traditionnels en utilisant la fibre. Envisagée comme une forme discursive, la fibre permet la construction d'un espace critique qui interroge les rapports entre la matérialité, le fait main, le processus et la démarche conceptuelle. La fibre invite encore à reconsidérer la dichotomie tradition-modernité et les valeurs qui sous-tendent la notion de professionnalisme. La politisation dans l'espace public - la galerie, le musée ou la rue - d'activités perçues traditionnellement comme étant artisanales et domestiques remet en question les dichotomies public/privé, masculin/féminin, primitivisme/modernité, qui ont servi historiquement de cadres normatifs aux catégories en histoire de l'art.
Marginalisées par l'histoire de l'art canonique coloniale et androcentrée, les démarches artistiques fondées sur les qualités de la fibre, en tant que technique, matériau ou concept, souffrent d'une carence documentaire et d'un déficit théorique que ce projet de recherche vise à combler, en partie au moins. La reconnaissance dans les milieux consacrés de l’art des œuvres dont la spécificité emprunte à la fibre ses caractéristiques formelles, techniques, matérielles ou conceptuelles, est non seulement tardive, mais parcellaire, contextuelle et politique.
Ce projet intéresse une historiographie et une histoire de la fibre (à écrire) dans l’art moderne et contemporain au Québec. Davantage une géographie, qu’une histoire proprement dite, il s’agit de retracer les processus situés, complexes et relationnels par lesquels se développent les circuits de production, de diffusion et les réseaux d’homologation de pratiques artistiques centrées sur les qualités formelles, techniques ou conceptuelles de la fibre au Québec entre 1950 et 2020.
Chercheur principal
Financement
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Soutien à la relève professorale (FRQSC)
2021 - 2025