Activités

5e journée d’étude du LIREL « Enseigner la littérature au collégial : comment donner à lire l’altérité? »

Le 13 janvier 2022 s'est tenue en ligne la 5e journée d’étude du LIREL « Enseigner la littérature au collégial : comment donner à lire l’altérité? », organisée par Karine Cellard (CRILCQ, Cégep de l’Outaouais), Sophie Dubois (CRILCQ, Collège Lionel-Groulx), Marcel Goulet (CRILCQ, Cégep Édouard-Montpetit) et Marie-Claude Tremblay (Cégep de Sherbrooke).

Vous pouvez y assister en différé sur la médiathèque du CRILCQ et consulter les documents pédagogiques utilisés sur le site web du LIREL.

Rarement l’enseignement des sciences humaines et de la littérature aura-t-il défrayé la chronique comme il l’a fait en cette année de pandémie. Alors que le confinement entraîne son lot de défis pédagogiques, technologiques et communicationnels et que l’actualité nationale et internationale – des bouleversements provoqués par les revendications de Black Lives Matter et de #metoo jusqu’à la mort de Joyce Echaquan – exacerbe les revendications de justice sociale, les modalités d’enseignement des savoirs sont remises en question dans une optique militante, parfois de manière frontale et sans concession. Nous vient tous à l’esprit la fameuse question de l’usage du « mot en N » qui, à l’automne 2020, a agi comme un douloureux révélateur de ces enjeux dans le Québec francophone et a suscité un grand nombre de prises de position publiques, souvent polarisées et n’invitant guère au dialogue. Par-delà les questions de gestion institutionnelle des plaintes étudiantes et de l’extension des conflits pédagogiques dans les réseaux sociaux, cette affaire aura mis en lumière une transformation, au moins chez une partie des étudiant.e.s et du personnel du milieu de l’éducation, des conventions sur l’usage des mots sensibles et sur la légitimité des professeurs à présenter des œuvres issues d’horizons identitaires auxquelles ils n’appartiennent pas. On constate aussi un changement, chez certains lecteurs, dans la réception de textes jugés parfaitement recevables il y a peu de temps encore.  

Une fois passée l’escalade des pétitions, une fois la position des un.e.s et des autres exposée dans les médias ou discutée de manière plus confidentielle entre collègues et ami.e.s, que retenir, pour nos pratiques enseignantes, de ce débat difficile? Comment entendre la demande de justice sociale, et parfois la douleur qui s’exprime à travers les prises de position de plusieurs concitoyens sans compromettre la mission de l’école, à laquelle nous adhérons plus que jamais, de mettre les nouvelles générations en contact avec ces autres langages, ces autres imaginaires, ces autres sensibilités qu’expriment les textes littéraires d’hier et d’aujourd’hui? Si l’on se soucie de dispenser une formation littéraire qui ne se réduise pas à un exercice de la rationalité mais qui accueille aussi la sensibilité, les perceptions et les émotions des étudiant.e.s, comment surmonter les clivages actuels et engager un dialogue respectueux (entre professeur.e.s et étudiant.e.s, entre lecteurs, lectrices et œuvres littéraires) qui soit émancipateur pour tous et pour toutes? Pour que la littérature puisse rester un espace d’exploration des possibles et d’élaboration de l’identité – notamment par l’expérience de l’altérité –, il doit y avoir d’autres voies que l’autocensure et l’évitement.  

C’est cette occasion de réflexion, à l’écart de la dynamique polarisante des médias, que le LIREL souhaite offrir aux professeur.e.s de littérature. Dans un récent article de La Presse intitulé « Comment parler de l’autre? », Melikah Abdelmoumen affirme : « J’ai toujours pensé que pour parler de l’autre […], il fallait un minimum de travail, de recherche et d’empathie » (Guy, 2021). Ensemble, nous nous demanderons « comment parler de l’autre » en classe de littérature, avec les corollaires éthiques et didactiques que cela suppose. À partir d’œuvres précises dont l’enseignement ou la réception peuvent aujourd’hui être plus malaisés, les interventions de la journée tâcheront de proposer des pistes quant au rôle de médiation que les professeur.e.s du collégial (mais pas seulement) sont aujourd’hui amené.e.s à jouer.

Programme

8 h 45 : Mot de bienvenue : Karine Cellard (CRILCQ, Cégep de l'Outaouais)

9 h - 9 h 45 : Karine Cellard (CRILCQ, Cégep de l'Outaouais) et Marcel Goulet (CRILCQ, Cégep Édouard-Montpetit), « Qui est cet Autre à qui nous proposons de faire l’expérience de la littérature? »

L’expérience de la lecture littéraire en est une de rencontre avec l’altérité : altérité de langue, d’imaginaire, voire d’idées ou de valeurs entre une œuvre et le lecteur ou la lectrice qui la reçoit et l’interprète, souvent en un autre temps, en un autre lieu. En classe de littérature toutefois, où la rencontre a lieu à l’initiative et sous la médiation d’un.e professeur.e, l’altérité surgit aussi sous la figure de l’étudiant.e, destinataire incontournable, parfois insaisissable, de l’expérience proposée. Sous forme de conversation et d’allers-retours entre réflexion théorique et pratique enseignante, Karine Cellard et Marcel Goulet interrogeront l’écart qui sépare le sujet lecteur postulé (forgé par la théorie, la critique ou la didactique de la littérature) et le sujet lecteur réel (façonné par le social et la culture ambiante). Leur hypothèse est qu’il existe là un fossé qui expliquerait en grande partie les malentendus et incompréhensions cristallisés par les quelques cas très médiatisés de confrontation entre professeur.es et étudiant.es autour de la mise au programme d’œuvres ou de l’étude de sujets dits sensibles, activités désormais parfois redoutées.

9 h 45 - 10 h : Pause

10 h - 10 h 45 : Benoît Melançon (CRILCQ, Université de Montréal), « Enseigner Candide en 2022 ? Oui, évidemment, mais… »

L’actualité récente a obligé plusieurs enseignants à s’interroger sur les textes que, jusque-là, ils mettaient au programme sans se poser de questions; cette réflexion est bienvenue. Certains ont voulu profiter de l’occasion pour faire retirer des œuvres des listes de lecture; cela est inacceptable. Pour réfléchir à ces deux sujets — le retour réflexif légitime et nécessaire, la censure —, je partirai de mes expériences d’enseignement de Candide, le conte de Voltaire. En quarante ans de profession, ai-je appris quelque chose ?

10 h 45 - 11 h : Pause

11 h 15 - 12 h 00 : Stéphane Martelly (Université de Sherbrooke), « Quand les “autres” sont nos élèves. Enseigner la liberté en période de remise en cause et de réclamation »

Depuis quelques années, un questionnement profond et nécessaire traverse le milieu des études postsecondaires au Québec. Dans la foulée des grands mouvements contemporains de droits civiques qu’ont été Black Lives Matter / La vie des Noir.e.s compte et #MeToo / #MoiAussi, il n’est plus possible d’enseigner – si cela l’a jamais été – en évitant de se poser la grande question de l’égalité. En replaçant le tapage médiatique sur les affaires autour du mot N dans leur contexte et surtout dans le cadre souvent oublié de la relation pédagogique, je tenterai une réflexion sur ce que la littérature permet quand elle est pensée dans une perspective d’émancipation et de libération

12 h - 13 h 30 : Pause dîner

13 h 30 - 14 h 15 : Michel Nareau (Cégep Édouard-Montpetit), « Éprouver la perspective féministe. Travailler en classe avec Mines de rien »

Les débats âpres sur la liberté d’expression font écran, il me semble, à deux enjeux qui m’apparaissent fondamentaux pour la transmission des savoirs; celui de la représentativité et celui du renouvellement des connaissances transmises (notamment autour du corpus, dans le domaine littéraire). Pour ma part, il me semble essentiel de revaloriser tant dans l’histoire littéraire que dans la classe, la parole des autrices. Dans mon cours 104, axé sur le genre essayistique, sur la communication orale, sur la nécessité de lier la littérature aux disciplines apprises par les étudiant.e.s, je fais travailler ceux-ci et celles-ci sur le recueil de chroniques féministes Mines de rien d’Isabelle Boisclair, de Lucie Joubert et de Lori St-Martin, et ce, dans le cadre d’exposés oraux qui laissent une large place à leur expérience personnelle. Dans cette présentation, je veux questionner cette démarche, signaler ce que ça implique de l’initier alors que je suis un prof, blanc et hétérosexuel de surcroît, et surtout m’attarder à la dynamique que l’exercice révèle en classe, tant dans les interactions entre étudiant.e.s qu’entre eux et elles et moi.

14 h 15 - 14 h 30 : Pause

14 h 30 - 15 h 15 : Louis-Karl Picard-Sioui (Kwahiatonkh!) et Jean-François Létourneau (Cégep de Sherbrooke), « Regards croisés sur l’enseignement des littératures des Premiers Peuples »

Les publications se multiplient depuis quelques années et les littératures des Premiers Peuples sont de plus en plus intégrées aux programmes et aux cours de littérature à travers les établissements d’études supérieures de la province. La réception de ces œuvres littéraires et la façon qu’elles sont enseignées soulèvent des enjeux éthiques et politiques.

L’écrivain d’origine wendat Louis-Karl Picard-Sioui, cofondateur de l’organisme de diffusion Kwahiatonhk! et directeur du Salon du livre des Premières Nations, ainsi que l’enseignant et spécialiste des littératures des Premiers Peuples, Jean-François Létourneau, échangeront sur les défis inhérents à l’enseignement des littératures des Premiers Peuples.

Journée d'étude

Icône de calendrier
jeudi 13 janvier 2022, 08:45 - 15:30
Icône de lieu
[En ligne] - Plateforme Zoom