Entre conte et humour : l'art de raconter des histoires selon Fred Pellerin
La démarche inaugurée par ces travaux vise à développer une nouvelle approche de recherche sur l’humour à partir de l’étude de cas fournie par les récits de l’auteur-conteur Fred Pellerin, jeune conteur et véritable « phénomène » artistique originaire de Saint-Élie-de-Caxton en Mauricie. Les histoires qu’il raconte sont centrées sur des personnages plus grands que nature qui ont une vague ressemblance avec les habitants de son village. Engagée dans une perspective ethnolinguistique, cette recherche a pour double objectif 1) d’établir les fondements d'une approche qui met en lien l'oralité, le conte, l'humour et la modalité performative du récit ; et 2) de proposer les contours d’un modèle d'analyse ethnolinguistique du discours qui pourrait être appliqué à d’autres modes d'expression humoristiques qui procèdent principalement de l’oralité comme mode de diffusion. À la fois objet social, objet discursif, objet culturel, objet artistique, l’humour apparaît indéniablement comme un élément récurrent et transversal de la pratique contemporaine du récit oral. Complexe, il force toutefois à penser les modes de son appréhension. Mis à part quelques études en ethnologie sur les genres narratifs brefs comme les contes-à-rire, les fabliaux ou les menteries qui ont surtout porté sur des analyses de répertoire, aucune étude dans ce domaine ne s’est encore attardée avec attention aux mécanismes humoristiques de ces pratiques en examinant les aspects linguistiques et énonciatifs des récits.
Fondé sur une collaboration entre une ethnologue et une linguiste, qui associent leurs savoirs disciplinaires et méthodologiques, ce travail explore la capacité d’une approche pluridisciplinaire à saisir cette complexité et à rendre compte du fonctionnement d’un nouvel art de raconter des histoires qui conjugue, comme l’exemplifie Pellerin, la manière du conteur traditionnel à celle de l’humoriste. Cette recherche est fondée par l’hypothèse que le rire, au-delà ou en deçà de ses ancrages sociaux, relève aussi d’une combinaison entre les aspects narratifs (forme du récit, chute, etc.), linguistiques (métaphores, jeux de mots, etc.) et symboliques (création d’images, représentations, imaginaire, etc.). Pour en vérifier la pertinence et pour prendre la mesure des défis scientifiques soulevés par cette hypothèse, ce projet propose plus spécifiquement de mettre à l’épreuve, dans le cadre offert par la série des cinq livrets-audio publiés par Pellerin, l’association de trois stratégies de recherche : une analyse narratologique (découpage des récits en épisode et séquences, analyse structurale à partir des fonctions et des rôles des personnages, du moteur de l’action, etc.); une analyse linguistique (repérage des divers procédés linguistiques – jeux de mots, figures de style, consonances humoristiques, clichés et proverbes détournés, etc. – propres à créer des images) et une analyse de l’énonciation (description de la situation de communication, facteurs de la performance, thématique, identification des effets humoristiques). Notre démarche offre une approche scientifique structurée et des assises méthodologiques originales et opérationnelles pour étudier et comprendre les manifestations actuelles de l’art de conter. Elle permet de renouveler ainsi tout un pan des études sur l’oralité telles que les ont investies jusqu’ici, de façon séparée, l’ethnologie, la linguistique et les études littéraires. Thème fédérateur ayant une résonnance dans de nombreux champs disciplinaires, l’humour offre en effet une occasion inédite de collaboration et un terrain à investir.
Chercheurs principaux
- Martine Roberge
- Isabelle Collombat
Financement
-
Subventions de développement Savoir (CRSH)
2014-06 - 2017-05