Qu’est-ce qu’une vie humaine, désormais? Écritures contemporaines

Qu’est-ce qu’une vie humaine, désormais? Écritures contemporaines

Depuis l'explosion des manifestations #meetoo, #blacklivesmatter, manifestations qu'on peut qualifier de révolutionnaires, la littérature ne se fabrique plus de la même manière qu'à la fin du XXe siècle. Concurremment à ces mouvements socio-éthico-politiques inédits, les récits de « vies particulières » en littératures française et québécoise se laissent jalonner par des considérations éthiques et sociopolitiques, et qui, en retour, informent la perspective même que l'on peut avoir sur une vie. Que devient alors « une vie »? Comment se présente-t-elle maintenant en littérature? Ce projet d'une durée de trois ans est divisé en deux volets. Le premier volet (deux ans) vise à produire une recension des fictions documentaires pertinentes - romans, essais, autofictions - consacrées à des « vies particulières » publiées au Québec et en France depuis 2010 (Année I). Il s'agira ensuite de procéder à l'analyse de ce corpus afin de cerner l'imaginaire éthique de la vie humaine (Année II). Le second volet (Année III) propose une synthèse et une relance des analyses menées au cours des deux premières années de la recherche, mais cette fois-ci du point de vue de l'essai littéraire : les chercheures s'engagent à réfléchir depuis l'écriture même d'un essai et feront des résultats d'analyse dégagés dans le volet I de la recherche le centre de l’œuvre fictive qu'elles écriront. L'élan du projet consiste à admettre que la littérature ne s'énonce plus à partir des hantises qui l'informaient jusque-là (les événements du 11 septembre 2001, de la guerre du Golfe ou la Seconde Guerre mondiale, par exemples, ou les concepts plus abstraits de disparition, d'apocalypse, de spectralité et de mémoires individuelle et collective ont servi de référents aux écrivains du début du second millénaire). Pour rendre compte des déplacements dont nous sommes les témoins, notre recherche prend appui sur des préoccupations communes à littérature et à la philosophie morale, c'est-à-dire qu'elle s'oriente entièrement vers une interrogation d'ordre éthique : Qu'est-ce qu'une vie humaine -- désormais? De quoi est faite aujourd'hui une vie singulière, en quoi tient sa valeur? qu'est-ce qui en marque les jalons mémorables et définitoire? dans quel(s) dispositif(s) s'inscrit-elle? De quel(s) espace(s) une vie a-t-elle le loisir? Afin de répondre à ces questions importantes pour les champs du savoir, la littérature apparaît comme un terreau privilégié d'enquête. Le projet s'attaque à une exigence forte des études littéraires actuelles qui somment les chercheurs de repenser le lien solidaire ou décalé entre les notions de « contemporain » et d'« actuel » (Barthes, Le contemporain est l'inactuel). Le philosophe Giorgio Agamben, dans Qu'est-ce que le contemporain? (Payot, 2006), accentue l'écart, le déphasage entre le fait d'être de son temps (plongé dans une actualité, donc) et le décalage nécessaire au contemporain pour accomplir sa saisie du temps présent. Toujours en situation de conflit, le contemporain serait à la fois plongé directement dans le réel et en est obligatoirement détaché pour l'analyser. S'il regarde de trop près le réel, il ne sera pas en mesure de faire la mise au point et les choses mêmes de la vie -- sa vie -- deviennent floues. C'est de ce cet écart au sein de la littérature que notre recherche entend mesurer les effets esthétiques et politiques. Notre visée est de fournir un maximum de prises pour répondre concrètement à la question éthique. Les perspectives de l'analyse littéraire (Comment les vies humaines sont-elles montrées en littérature, de quel imaginaire procèdent-elles?) et de la création essaystique (Comment créer une vie humaine en littérature, de quoi cette « vie de papier » est-elle faite?) sont consubstantielles dans notre recherche. 

Chercheur principal

  • Sarah Rocheville

Cochercheur

  • Anne Caumartin

Financement

  • Savoir (CRSH)
    2021 - 2024