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Université du Québec à Montréal
Séminaire

Séminaire « Sociocritique et sociologie de la littérature – L'histoire littéraire. Enjeux et frontières »

Professeure : Lucie Robert
Horaire : lundi, 18 h – 21 h

Objectifs

Qu’est-ce que l’histoire littéraire aujourd’hui ? La théorie contre l’histoire littéraire a longtemps été le mot d’ordre de la Nouvelle Critique. Mais aujourd’hui, quarante ans après la querelle initiée par Roland Barthes, qu’est devenue l’histoire littéraire ? Le présent séminaire se propose

  • de faire le point sur les développements que la recherche en histoire littéraire a connus depuis 1960 ; 
  • d’examiner les diverses conceptions de l’histoire littéraire opérant dans le champ des études littéraires ;
  • de prendre connaissance des travaux récents en histoire littéraire ; 
  • de transférer ces savoirs aux sujets de recherche des étudiantes et des étudiants.

Contenu

L’histoire littéraire introduit l’ordre du temps dans la recherche littéraire. D’une part, elle permet de situer un texte dans le temps particulier où il a été engendré. D’autre part, elle reconstitue, sous la forme d’un récit (Grand ou petit), l’aventure de l’écriture, de la littérature et de leurs institutions. En tant que pratique spécialisée, l’histoire littéraire s’organise ainsi selon deux pôles : a) celui de la genèse, qui établit les sources (biographie, critique génétique, édition critique) et b) celui de la synthèse, articulation de divers éléments jugés pertinents dans l’évolution de la réalité littéraire.
L’ordre du temps ne se réduit cependant pas à une réflexion sur le passé (et d’ailleurs, le présent, ça commence quand ?). Il introduit une série de relations dialectiques dont aucune recherche ne peut s’abstenir entièrement de tenir compte : le nouveau et l’ancien, la présence ou l’absence, le Même et l’Autre, l’ici-maintenant et l’ailleurs-autrefois. Il oblige chaque chercheur à se situer aux confluents de trois positions qui représentent chacune un temps particulier : le temps de l’objet étudié, le temps de l’événement en fonction duquel il est étudié, puis le temps de l’étude elle-même. L’histoire littéraire entraîne la réflexion sur les rapports entre la tradition et la création, entre le classique, le moderne et le postmoderne, entre notre temps et celui des autres. Comme l’histoire, elle est le lieu du questionnement des valeurs reçues, dont elle rappelle la genèse, le développement et, peut-être, le dépérissement.

  • Nous étudierons ainsi la genèse de la discipline : l’émergence de la notion de « bibliothèque » à la Renaissance, son développement à travers les écrits de Voltaire, La Harpe, Taine, Nisard, Brunetière, jusqu’aux travaux de Gustave Lanson qui, le premier, a envisagé l’histoire littéraire comme une discipline scientifique et qui en a formulé les principes méthodologiques. Nous aborderons les causes et les motifs de la remise en question opérée par la Nouvelle Critique dans les années 1960, les modalités de la « sortie de crise » et les principes et fondements du renouvellement de l’histoire littéraire.
  • Nous réfléchirons aux objets de l’histoire littéraire. Car la question se pose : de quoi faisons-nous l’histoire quand nous faisons l’histoire littéraire ? Étudions-nous le singulier ou le collectif ; l’unique ou le représentatif ; la pratique ou le canonique ; l’œuvre ou le discours ? S’agit-il d’une histoire littéraire ou histoire de la littérature (comme distinguaient les anciens) ; d’une histoire « tout court » (comme le proposait Roland Barthes) ; d’une histoire des idées, histoire des mentalités ou histoire sociale des pratiques culturelles (comme le voulait Lucien Febvre) ; d’une histoire du champ et des institutions (comme le suggéraient Alain Viala ou Marc Fumaroli) ou encore d’une histoire poétique (comme l’envisageait Tzvetan Todorov) ?
  • Nous exposerons les méthodes de l’histoire littéraire. On distinguera ici les méthodes générales empruntées à l’histoire (recherches documentaires, critique des sources) ou à la sociologie (statistique, analyse de contenu et de discours) de celles qui conservent à l’histoire son caractère spécifiquement littéraire et qui empruntent à la biographie, à l’édition critique, à la génétique, à la poétique et aux travaux sur la réception littéraire. Nous porterons ici attention aux problèmes spécifiques que soulève l’histoire du temps présent (proximité, inachèvement) et à leurs conséquences méthodologiques.
  • Nous envisagerons les problèmes reliés à la construction du récit historique, forme narrative et argumentative à la fois, qui suppose une série d’opérations de sélection et de classement puis l’établissement de liens de causalité. Le récit impose le choix des objets pertinents, la transformation de ces objets en faits puis en événements ainsi que leur mise en intrigue. À cette fin, l’histoire littéraire a développé une série de catégories qui permettent d’organiser le récit par paliers de regroupements successifs : l’œuvre, l’auteur, l’école (ou mouvement), le genre et la période (auxquelles on pourrait ajouter l’idée de « génération littéraire », plus récente). Nous en verrons l’intérêt et les limites.
  • Nous nous interrogerons sur l’opportunité de tenir un discours historique sur la littérature. L’entreprise de Pierre Nora (Les lieux de mémoire) a déjà démontré le lien entre les événements fondateurs et le récit comme identité narrative. Pratique moderne, conçue par des sociétés élitaires, l’histoire littéraire a-t-elle encore une fonction dans nos sociétés postmodernes qui remettent en question l’existence même du Sujet collectif (Littérature, Nation) ? où l’hégémonie d’une sorte de transcendance historique a été renversée par la perte du sacré ? La déconstruction du sujet historique est néanmoins celle d’un sujet déjà historicisé. Que serait alors une histoire littéraire féministe ? Quels seraient les enjeux propres à une histoire de la littérature post-coloniale ?

Voir le plan de cours complet (PDF, 83 Ko).