Le CRILCQ – site Université Laval félicite chaleureusement les deux lauréates (ex aequo) du concours automne 2015 de la Bourse d’excellence Aurélien Boivin :
Anne-Sophie Boudreau « Le personnage aux commandes du récit : détournement de la narration dans le roman contemporain » (mémoire sous la direction de René Audet).
Selon la convention, le narrateur, responsable de représenter les actions, est l’agent de l’élaboration du récit; mais il est possible que le personnage – qui, dans les romans choisis, tend pourtant à l’inertie et au désengagement – s’approprie la narration et reconfigure son univers ainsi que la manière dont il est évoqué.
Si la représentation vraisemblable d’éléments tels que le temps, l’espace et l’identité du personnage permet ordinairement d’étoffer ce que Roland Barthes appelle « l’effet de réel », les personnages étudiés construisent à l’inverse ce qu’on pourrait qualifier d’« effet de fiction », puisqu’ils chamboulent ces paramètres et instaurent un second niveau fictionnel à même la narration. Ainsi, l’objectif de ce mémoire est de redéfinir le rôle du personnage dans la poétique du roman contemporain en analysant le renversement du pouvoir narratif, sorte de mutinerie métaleptique, par lequel il acquiert la capacité d’agir sur les rouages mêmes du récit.
Ce putsch se manifeste à différents degrés dans les romans du corpus. Dans L’hiver de force, les protagonistes errent à travers des lieux qu’ils réinventent avec insouciance et corrigent le monde en tordant la langue. Au contraire, dans La Folie et la Mort, le personnage est soumis à une folie par laquelle il soumet la narration; le détournement se fait par contamination. Dans Sam, les personnages trafiquent volontiers la représentation du réel par l’écriture, ce dont découle un décalage entre l’espace référentiel et l’univers représenté. En s’appuyant sur ces romans, ce projet vise à attester de la porosité des modes de transmission dans le récit; cette approche du roman contemporain soulève plusieurs questions relatives aux fonctions du personnage, considérant que l’examen de l’étendue de sa capacité d’action est plutôt négligé par la critique.
La Bourse d’excellence Aurélien Boivin est une bourse d’entrée qui vise à stimuler la recherche dans les domaines explorés par les chercheurs du CRILCQ et à encourager les projets de maîtrise et de doctorat les plus prometteurs.
