Vendredi 15 avril 2016
Université du Québec à Montréal (UQAM)
Pavillon des Sciences de la gestion (R)
315, rue Sainte-Catherine Est, local RM-150 (niveau métro)
Programme
9 h 00 Accueil des participants et du public.
- 9 h 15 Didier Prioul (Université Laval)
Présentation du colloque
Première séance : Problèmes de périodisation et structure des récits
Président de séance : Mario Béland, historien de l’art et chercheur indépendant.
- 9 h 30 Pierre-Édouard Latouche (UQAM)
« Les temps de l’histoire et de l’histoire de l’art du Québec »
- 10 h 00 Laurier Lacroix (UQAM)
« Le monde de l’art au Québec et le politique »
- 10 h 30 Didier Prioul (Université Laval)
« Quand une institution s’énonce : l’exposition inaugurale du Musée du Québec en 1983 »
11 h 00 Pause
- 11 h 15 Période de discussion
animée par Gabrielle Marcoux (Université de Montréal) et Alexia Pinto-Ferretti (Université de Montréal)
12 h 00 Dîner
- 13 h 30 Didier Prioul (Université Laval)
Présentation de la deuxième séance
Deuxième séance : Déplacer le point de vue
Présidence de séance : Jacques Des Rochers, conservateur de l’art québécois et canadien avant 1945 au Musée des beaux-arts de Montréal
- 13 h 45 Louise Vigneault (Université de Montréal)
« Réopérer les portages temporels et territoriaux. Rapiécer les rives »
- 14 h 15 Esther Trépanier (UQAM)
« La critique d’art, un outil essentiel pour construire une histoire de l’art du Québec
- 14 h 45 Dominic Hardy (UQAM)
« De l’archive, du rêve et de l’histoire de l’art. Autour d’une estampe de Ghitta Caiserman-Roth, Night Shift/Poste de nuit (1943) »
15 h 15 Pause
- 15h 30 Période de discussion
animée par Gabrielle Marcoux (Université de Montréal) et Alexia Pinto-Ferretti (Université de Montréal)
- 16h 15 Didier Prioul
Bilan et conclusion
Ce colloque est organisé avec le soutien du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises – CRILCQ et de la Faculté des arts de l’UQAM.
Entrée libre
Informations : erhaq@uqam.ca
Résumés des communications
Pierre-Édouard Latouche (UQAM)
« Les temps de l’histoire et de l’histoire de l’art du Québec »
Cette communication propose un bref survol des périodisations adoptées dans quelques synthèses en histoire du Québec et en histoire de l’art du Québec. Loin de confronter les découpages chronologiques retenus par les historiens et les historiens de l’art, ce qui serait futile étant donné leurs objets d’études distincts – la société d’une part, l’œuvre d’art d’autre part – il sera plutôt question ici d’analyser les raisonnements sous-jacents à ces découpages périodiques. Les auteurs consacrent-ils une partie de leur introduction à justifier la périodisation adoptée ? Y a-t-il consensus chez les historiens quant aux périodisations retenues ? Des cadres interprétatifs divergents induisent-ils des découpages eux aussi divergents ? Les périodisations qu’adoptent les historiens de l’art émanent-elles d’une historicité propre à l’histoire de l’art et à ses objets, ou sont-elles empruntées, clef en main, à l’histoire politique, économique ou intellectuelle ? Qu’en est-il des périodisations mixtes à l’intérieur d’un même ouvrage, lorsque les temps sont justifiés tantôt par l’action d’un artiste ou d’un commanditaire, tantôt par la geste politique, évènementielle ou technologique ? Pour répondre à ces questions nous nous baserons sur cinq synthèses en histoire du Québec parues entre 1966 et 2012 : Fernand Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec, 1750-1860, 1966; Hamelin et Roby, Histoire économique du Québec, 1851-1896, 1971 ; Dumont, Lavigne et Stoddart, L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, 1982 ; Dickinson et Young, Une brève histoire socioéconomique du Québec, 1988 ; Fougères et al, Histoire de Montréal et de sa région, 2012. Et sur cinq synthèses en histoire de l’art ayant abordé l’art québécois : Dennis Reid, A concise history of Canadian painting, 1973 ; Barry Lord, The history of painting in Canada : toward a people’s art, 1974 ; Luc Noppen, Québec, trois siècles d’architecture, 1979 ; Béland, Lacroix, Porter, Prioul, La Peinture au Québec 1820-1850 : nouveaux regards, nouvelles perspectives, 1991 ; Harold Kalman, A concise history of Canadian architecture, 2000.)
Laurier Lacroix (UQAM)
« Le monde de l’art au Québec et le politique »
Cette communication s’inscrit dans l’axe du colloque qui réfléchit sur la question du temps en histoire de l’art au Québec et, en particulier, sur la structuration du récit à partir de l’organisation chronologique de l’histoire et, incidemment, sur le territoire retenu. Mon hypothèse est que la politique, sous-entendue dans le sens de la pratique du pouvoir (politikè), et les régimes sous lesquels elle s’est développée au Québec (au sein du Canada et de l’Amérique du Nord), ont structuré l’organisation du discours en histoire de l’art de ce territoire.
Il s’agira de voir comment la succession des différents régimes politiques a encadré la façon de penser l’histoire et a imposé sa marque comme métadiscours de l’histoire de l’art au Québec, en particulier dans les ouvrages de synthèse. L’analyse invite à identifier des modèles différents et de voir dans quelle mesure il serait possible d’instaurer à la fois une plus grande autonomie à la périodisation et une narration historique plus attentive au monde de l’art.
« Quand une institution s’énonce : l’exposition inaugurale du Musée du Québec en 1983 »
L’institution muséale, par la mise en exposition de sa collection, définit la manière dont nous pensons le développement de l’art dans le temps. Que signifie alors, pour un conservateur devenu commissaire, présenter la collection avec une vision institutionnelle ? L’exposition anniversaire du Musée du Québec en 1983 – Le Musée du Québec, 1933-1983. Cinquante années d’acquisitions – est un cas d’étude particulièrement éloquent. Examiné dans le contexte du colloque, il est d’autant plus pertinent qu’il s’agit d’une exposition inaugurale pour le musée : non seulement celui-ci vient d’être reconnu comme musée d’art mais il dispose, pour la première fois, de la totalité des espaces du bâtiment d’origine pour y déployer sa collection.
Au moment où le musée pense à son émancipation, comment réunit-il la fragmentation des objets qui composent sa collection pour réaliser un énoncé qui transformera l’espace de l’institution en temps historique ? Louis Marin, dans un article judicieusement intitulé « La célébration des œuvres d’art » (Actes de la recherche en sciences sociales, novembre 1975) nous servira de guide pour réfléchir sur la parodie du discours mis en place par le musée, celle-ci n’étant pas «caricature» mais « déplacement » dont l’enjeu « est de mettre à jour non seulement les conditions et les limites de validité qu’implique et qu’impose cette nouvelle scène (l’exposition), mais encore la réactivation des procès qui ont permis de construire et de formuler ces notions ».
Louise Vigneault (Université de Montréal)
« Réopérer les portages temporels et territoriaux. Rapiécer les rives »
Il sera question de dégager les principales configurations du temps et de l’espace ayant traversé le territoire québécois, en regard des mythologies et récits historiques qui ont contribué à orienter ses différentes communautés, à définir leur présence et leur projet collectif sur le continent. Si la construction de la culture et de l’histoire de l’art au Québec s’est d’abord fondée sur les modèles d’une conception chronologique et téléologique héritée de l’Europe, d’une continuité historique orientée vers la fondation de nouveaux territoires, d’espaces-nature transformés en terroir, cette conception s’est trouvée renforcée au 19e siècle, au contact des mythologies providentielles et nationalistes. La linéarité temporelle s’est alors mutée en une circularité, un éternel retour engageant une cosmogonie fondatrice et protectrice. Cette construction contrastait alors avec les mythologies pionnières canadiennes et états-uniennes orientées vers une frontière à explorer et à exploiter. Dans les deux contextes, toutefois, le temps et l’espace, les tableaux historiques et paysagistes ont eu tendance à se confondre.
Les productions artistiques du Québec, partagées entre les courants historicistes, ethnographiques et formalistes, entre les représentations narratives, symboliques ou ontologiques, auraient d’ailleurs nourri ou questionné cette dynamique spatio-temporelle. Le passé a fait figure de creuset bienfaisant ou aliénant, tandis que l’espace a été perçu tantôt comme un refuge, tantôt comme un champ de tensions et de confrontation. Les conceptions autochtones du temps et de l’espace tendent toutefois à décloisonner ces mouvements, en présentant des modèles épistémologiques fondés notamment sur les conceptions cosmocentriques et nomades. Elles offrent du même coup une complexification des enjeux culturels et géopolitiques, tout autant qu’une percée en dehors des délimitations physiques de la province. Ce constat permettrait d’envisager une lecture de l’histoire de l’art du Québec suivant différentes strates spatio-temporelles qu’il nous incombera de faire cohabiter de manières harmonieuse, fertile et significative.
Esther Trépanier (UQAM)
« La critique d’art, un outil essentiel pour construire une histoire de l’art du Québec »
Cette présentation se veut un plaidoyer pour l’ouverture d’un chantier de recherche, celui de la mise à jour et de l’analyse de la critique d’art comme outil essentiel pour construire une histoire de l’art au Québec. Certes, cela contribuerait à répertorier de manière plus exhaustive les artistes présents sur la scène artistique à une période donnée et les lieux de diffusions de leurs œuvres. Mais plus encore, cela permettrait de mieux cerner la complexité des références théoriques, esthétiques et idéologiques en présence ainsi que les oppositions, alliances ou compromis en jeu à une époque donnée.
Pouvoir s’appuyer sur le corpus le plus complet possible de tous les textes critiques qui ont commenté les arts visuels, dans les villes comme dans les régions, aiderait à comprendre les débats esthétiques et leurs transformations, à saisir le moment où se produisent les modifications ou l’émergence de nouveaux horizons d’attente et leurs liens avec les démarches artistiques en présence. Cela participerait de ce fait à établir des temporalités plus fines de l’histoire de l’art au Québec et à enrichir notre compréhension de ses espaces et de ses lieux.
Pour soutenir notre point de vue, nous évoquerons quelques exemples de recherches qui grâce à leur étude du discours critique, ont pu apporter des perspectives plus nuancées sur certains aspects de cette histoire.
Dominic Hardy (UQAM)
« De l’archive, du rêve et de l’histoire de l’art. Autour d’une estampe de Ghitta Caiserman-Roth, Night Shift/Poste de nuit (1943) »
Le point de départ de cette communication est une enquête, menée à partir de données recueillies par l’ÉRHAQ depuis 2012, et dont le premier horizon était le congrès présenté à Kingston (Ontario) en mai 2015 par le Réseau d’études sur l’histoire des artistes canadiennes/Canadian Women Artists History Initiative. Il s’agissait alors d’identifier, à partir des ressources bibliographiques et des archives de recherche qui avaient jusque-là été inventoriées par l’ÉRHAQ, toutes les études portant sur l’autoportrait en tant que genre artistique, pratiqué par les artistes femmes canadiennes avant 1967. Cette démarche, outre le fait qu’elle confirmait ce qu’on pouvait déjà imaginer, soit le fait que peu d’études avaient été consacrées à ce sujet, s’ouvrit sur un autre chemin inattendu, celui d’une sorte « d’accident d’archive » qui nous fait travailler malgré nous.
En effet, lors de travaux menés en 2007 dans les archives du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) et dont l’objectif avait été d’identifier toutes les œuvres caricaturales, collectionnées et exposées par cette institution depuis sa fondation, une série d’œuvres (estampes et tableaux) de l’artiste montréalaise Ghitta Caiserman-Roth (1923-2005) avaient été intégrées à la grille de recherche. Lors de l’acquisition de ces œuvres par le MBAC en 1992, l’artiste avait rédigé un aide-mémoire à l’intention de la conservatrice des dessins et estampes canadiens, Rosemary Tovell, dans lequel elle identifiait le sujet de l’estampe Night Shift / Poste de nuit (1943) comme étant un « autoportrait dans un rêve », lié à son expérience dans une usine de munitions montréalaise en temps de guerre.
La présente communication propose de réfléchir à partir de cette «représentation-confluence» qui articule l’identité de l’artiste à l’espace-temps du rêve et de la nuit pour penser, un peu autrement, les aléas de l’archive telle que l’entrevoit l’historien de l’art et pour ouvrir notre pratique disciplinaire (dans tout son contexte d’études québécoises) à des assises qui, pour être légèrement instables et imprévisibles, peuvent aussi être productives.