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Colloque des étudiants en histoire de l'art de l'Université de Montréal, « Paraître et disparaître. L'art et ses objets perdus »

L’art, comme ensemble des procédés de fixation des apparences, vise à pérenniser ce qui est voué à l’usure, à la dissolution. En peinture, l’art du portrait s’inscrit dans une telle entreprise, permettant de soustraire le visage aux outrages du temps, de le conserver pour la postérité. Du moins jusqu’à ce que l’œuvre disparaisse, comme ce fut le cas de la Joconde, dont le vol en 1911 fit la manchette des journaux. Paradoxalement, c’est par sa disparition que la toile de Léonard de Vinci acquit sa notoriété, voyant sa présence — ou son aura, comme le dirait Walter Benjamin (2012) — décuplée par le battage médiatique (Stevens 2013). Cependant, la présence de l’œuvre de De Vinci, une fois le tableau restitué au musée, n’est-elle pas menacée par la prolifération de ses copies, de ses reproductions et de ses transpositions ? De plus, ne pourrait-on pas dire que la Mona Lisa, avant d’être volée, était déjà une œuvre perdue, orpheline d’un contexte historique et social révolu (Gombrich 1983) ?
L’art est un théâtre de la présence et de l’absence, où le paraître est inextricablement lié à un disparaître. En effet, les œuvres n’existent qu’en se matérialisant à travers différents supports : des formes d’art canoniques que sont les sculptures, les tableaux ou les gravures par exemple, jusqu’aux dispositifs, installations, performances, arts vivants, logiciels, supports numériques, analogiques ou photosensibles. Multiples, ces formes du paraître sont exposées à de nombreuses altérations. De fait, le support matériel de l’œuvre (ou ses dispositifs techniques) est sujet à des interventions humaines directes, comme le vol, le vandalisme ou l’iconoclasme, ou encore à différents processus temporels comme la détérioration, l’usure ou l’obsolescence. Ces facteurs de disparition, qui soulèvent bien entendu des problématiques de conservation (spécialement à l’ère du numérique), engagent également des réflexions sur la transmission des connaissances, au moyen des archives, des dispositifs muséologiques, des copies, des témoignages, des films ou des photographies. La réflexion autour de la conservation est aussi une préoccupation pour des artistes qui pratiquent la performance, l’art furtif et l’art autodestructeur, qui sont éphémères et donc programmés pour disparaître.
Toutefois, ce n’est pas seulement la matière qui disparaît : les œuvres qui traversent les siècles voient aussi nécessairement leur sens s’effriter en raison de la perte de leur contexte d’origine et des connaissances nécessaires à leur compréhension. Les œuvres participent d’une écologie sociale complexe et historiquement marquée dont elles ne peuvent être extraites sans que leur sens et leur essence ne s’en trouvent également appauvris. C’est pourtant en s’adaptant que les œuvres évitent leur disparition. Comme l’a montré Aby Warburg dans tous ses travaux, une image survit en se faisant caméléon, en se transformant pour venir habiter des temps qui ne sont pas ceux de son origine. Les œuvres, ou les images, comme les a comprises Hans Belting, résistent à la destruction de leur support matériel en venant s’imprimer dans les mentalités (2004 : 15). Une disparition ne serait donc jamais définitive : tout paraître est sujet à un réapparaître. Ainsi reviennent des formes ou des pratiques abandonnées, désuètes ou oubliées, désormais reprises dans un nouveau contexte (Didi-Huberman 2000).
Considérant les multiples avenues de réflexion possibles autour du thème, le colloque souhaite engager des discussions à propos des axes suivants :

  • Procédés : techniques, médiums, usages de dispositifs, poïétique, processus, codes ;
  • Objets : volés, détruits, déplacés, détériorés, immatériels, difficulté d’accès (légale ou physique), perte du contexte de réception et de diffusion, art furtif, art éphémère, iconoclasme, art funéraire, art autodestructeur, mode, institutions muséales, expositions ;
  • Traces : copies, problèmes méthodologiques liés aux archives, traces des processus de création d’œuvres disparues, conservation et restauration, reconstitutions, productions artistiques ayant pour thème des objets disparus.

Nous invitons les étudiantes et étudiants en troisième année du baccalauréat, des cycles supérieurs ainsi que les professeurs, chercheurs et professionnels de musées, de tous les horizons disciplinaires, à soumettre une proposition de communication avant le 15 juin 2015.
Pour nous transmettre votre proposition, vous devez remplir le formulaire (PDF, 571 Ko) prévu à cet effet et nous le retourner à colloqueharudem@gmail.com. Pour toute question concernant le colloque, vous pouvez nous écrire à la même adresse.

Bibliographie
BELTING, Hans (2004). Pour une anthropologie des images. Traduit de l’allemand par Jean Torrent, Paris : Gallimard, Coll. « Temps des images ».
BENJAMIN, Walter (2012). L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Paris: Gallimard, Coll. « Folio Plus ; Philosophie ». [1939]
DIDI-HUBERMAN, Georges (2000). Devant le temps. Histoire de l’art et anachronisme des images, Paris : Les Éditions de Minuit, Coll. « Critique ».
GOMBRICH, Ernst (1983). « L’image visuelle », L’écologie des images. Traduit de l’anglais par Alain Lévêque, Paris : Flammarion, Coll. « Idées et Recherches », p. 323-349.
STEVENS, Bethan (2013). « Spekphrasis : writing about lost artworks, or, Mona Lisa and the museum », Critical Quarterly, vol. 55, no 4, p. 54-64.