Actualités

Appel : Colloque « La problématique vie/œuvre dans les discours sur la littérature »

Colloque présenté dans le cadre 73e congrès de l’ACFAS (9 et 10 mai 2005)
Université du Québec à Chicoutimi

Problématique et enjeux :

Dans le cadre de ce colloque, il s’agira de réfléchir sur les rapports qu’entretiennent la vie et l’oeuvre dans la critique littéraire, dans la théorie littéraire ainsi que dans la biographie d’écrivain. Née dans le foulée du romantisme – avec la naissance d’un soi artistique – et du positivisme – qui pose l’auteur comme causalité première de l’œuvre –, la problématique vie/œuvre anime les débats critiques depuis près de deux siècles. Tandis que, d’un côté, Lanson reprochait à Sainte-Beuve de s’employer à reconstituer le « vécu » à partir des œuvres, plutôt que de chercher à éclairer les œuvres à la lumière du « vécu », la « nouvelle critique  », au tournant des années 1960, remet en cause la pertinence du biographique dans l’analyse textuelle. Cet antibiographisme, dont les représentants les plus exemplaires demeurent sans aucun doute Valéry, Proust et les tenants du structuralisme, ouvre par ailleurs la voie à un nouveau débat : qu’est-ce que le biographique ? De la « parabole gestuelle du tracé » (Sollers) à « sous-scription » (Pleynet), en passant par le  « modus loquendi » (de Certeau) et la " fonction-auteur " (Foucault), le biographique qui émerge dans les dernières décennies du XXe siècle n’est plus simplement " relation d’événements ". " Du sujet de l’énoncé (la vie de l’écrivain), on passe au sujet de l’énonciation (la vie de l’écrivain écrivant) " (Durand, 1997-98 : 123). C’est dire que de nouvelles relations vie/oeuvre ont vu le jour, malgré la " mort de l’Auteur " proclamée par Barthes et l’ " intransitivité radicale " du texte littéraire annoncée par Foucault.
La théorie littéraire, constituée comme autant d’écoles, de mouvements et de courants de pensée, a tenté à son tour de définir la particularité des rapports qu’entretient l’écrivain avec son oeuvre. En effet, tant à travers ses " discours fondateurs " (et/ou ses prolongements) que par le biais des méthodes qu’elle mettra en place tout au long du XXe siècle, la théorie réserve aux rapports vie/oeuvre un traitement singulier dont l’élucidation d’ensemble reste à faire. Que ce soit par une observation et une interprétation des oeuvres en fonction de la psyché du sujet écrivain (critique psychologique), que ce soit en considérant l’oeuvre comme un accès privilégié à l’inconscient – déjà produit analytique en soi (psychanalyse et psychocritique) -, que ce soit en postulant que l’oeuvre est marquée par une identité sexuée (critique féministe), que ce soit dans le cadre d’une réflexion sur les fondements ontiques de l’oeuvre d’art (phénoménologie) ou encore en appréhendant l’auteur et l’oeuvre dans leur corrélation avec une dimension sociale (sociologie de la littérature, sociocritique), la théorie littéraire, depuis le moment de ses origines, n’a cessé de se positionner par rapport à l’interprétation biographique des textes. Et force est de reconnaître que c’est en partie cette mouvance herméneutique de la frontière entre la vie et l’oeuvre qui a permis aux différentes disciplines propres aux études littéraires d’évoluer vers ce qu’elles sont devenues à l’aube du XXIe siècle. À cet égard, l’exemple de l’histoire littéraire – dont les plus grandes querelles ont émergé de la difficulté d’équilibrer les rapports entre l’homme et l’oeuvre – est sans doute le plus prégnant.
Au coeur des préoccupations critiques et théoriques, la problématique vie/oeuvre occupe aussi une place singulière à l’intérieur de la biographie d’écrivain. En fait, c’est probablement là où les rapports vie/oeuvre sont le plus fortement marqués. Supposant dans bien des cas le caractère indissociable du " vécu " et du texte, la biographie d’écrivain consiste le plus souvent à retracer le parcours d’une oeuvre/vie. La forme même de la biographie n’est d’ailleurs pas étrangère à la nature de ces rapports et en constitue déjà une forme d’interprétation. Comme l’a récemment souligné Martine Boyer-Weinmann, dans un article paru dans Poétique en septembre 2004, " [c]haque biographe un tant soit peu réflexif sait bien d’expérience que l’objet informe la nature du produit, qu’il n’existe pas de contrat-type biographique et que chaque trajectoire existentielle, en posant des questions inédites, mérite un rendu photo-sensible, un degré particulier d’empathie " (2004 : 299). Les rapports vie/oeuvre tel que les pose la biographie d’écrivain ne s’articuleraient donc pas de manière homogène. Cherchant tantôt à cerner les traces laissées par la vie dans l’oeuvre – ou à retracer l’existence du biographé à partir de celle-ci – , tantôt à éclairer la vie à partir de l’oeuvre, cherchant tantôt à élucider les conditions de la venue à l’écriture ou de son renoncement, tantôt à démontrer comment la vie et l’oeuvre se déterminent réciproquement, la biographie d’écrivain, dans sa mise en forme interprétative, met en jeu une gamme d’interactions vie/oeuvre appellant chacune son mode de représentation spécifique.
Pistes proposées :
Les propositions retenues privilégieront une démarche théorique, analytique ou historique et seront regroupées sous 3 principaux axes de recherche : la critique littéraire, la théorie littéraire et la biographie d’écrivain.
1) CRITIQUE LITTÉRAIRE : Envisagée du point de vue de la critique littéraire, la problématique vie/oeuvre pourrait s’articuler autour des aspects suivants : les modalités d’inscription du biographique au sein de la critique littéraire (intention d’auteur, causalité, genèse de l’oeuvre, etc.), l’énonciation critique vs l’énonciation biographique, la pratique de la biographie par les critiques littéraires (ex. Sainte-Beuve à la fois biographe et critique), les avatars du biographique dans la critique littéraire, les débats critiques autour de la figure de l’auteur, etc.
2) THÉORIE LITTÉRAIRE : Dans la théorie littéraire, la problématique vie/oeuvre pourrait être soulevée à travers le discours fondateur propre à chacune des théories littéraires, la particularité du biographique dans une ou plusieurs théories, l’approche comparative des méthodes analytiques, etc.
3) LA BIOGRAPHIE D’ÉCRIVAIN : Dans la biographie d’écrivain, les rapports entre le vécu et le texte pourraient être envisagés à travers les filiations établies par la biographie entre le biographé et son oeuvre, le discours critique spécifique à la biographie d’écrivain, la fonction critique et l’herméneutique particulière à la biographie d’écrivain, les rapports entre la forme de la biographie et la trajectoire existentielle de l’écrivain biographé, les types d’instrumentalisation du vécu et du texte, etc. Bien évidemment, à partir des propositions reçues, d’autres volets pourront encore se greffer à la problématique proposée.
Les propositions de communication d’environ 250 mots doivent être envoyées au plus tard le 15 février 2005, à l’une ou l’autre des organisatrices aux adresses suivantes :
Marina Girardin : girardin.marina@courrier.uqam.ca
Manon Auger : manonauger@hotmail.com