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Appel de communication
Université Laval

Appel : Colloque « Où (en) est le cinéma ? »

« Où (en) est le cinéma ?  »
Colloque international du Groupe de Recherche sur l’Avènement et la Formation des Institutions Cinématographique et Scénique (GRAFICS)
Organisé par Julie Beaulieu, Richard Bégin et Thomas Carrier-Lafleur
Cinémathèque québécoise, 4-5 mai 2017

Ça bouge depuis soixante-dix ans, ça cause depuis quarante ; ça gesticule, ça court dans tous les sens ; ça saute, ça entre en gare, ça va en arrière comme en avant ; ça remonte et ça suit le fil du temps comme un yo-yo ; ça marche au plafond quand on le désire, ça arrose l’arroseur, ça fait rire et pleurer, ça fait peur et plaisir ; ça christianise et ça relâche les mœurs ; ça onirise et ça réveille la conscience des individus et de masses ; ça milite et ça démobilise, ça sert à tout comme la moulinette universelle ; bref, ça marche, ça fonctionne.
— Roger Boussinot, Le cinéma est mort. Vive le cinéma ! (1967)

 En juillet 1958, alors critique récalcitrant aux Cahiers du cinéma, Jean-Luc Godard signe un article intitulé « Bergmanorama », dans lequel il défend que Sommarlek (Jeux d’été, 1951) est le plus beau des films du monde… à côté de cinq ou six autres. Or, pour Godard, « le plus beau des films du monde » ne doit pas être entendu comme un jugement de valeur, mais plutôt comme une évidence : celle du cinéma. Rien ne sert d’en écrire davantage, de tenter d’expliquer notre propos, car dire d’un long-métrage qu’il est le plus beau film du monde, c’est déjà tout dire. Sous la plume du critique, la logique semble imparable :

Pourquoi ? Parce que c’est comme ça. Et ce raisonnement enfantin, le cinéma seul peut se permettre de l’utiliser sans fausse honte. Pourquoi ? Parce qu’il est le cinéma. Et que le cinéma se suffit à lui-même. […] « Ça, c’est du cinéma ! » mieux que le mot de passe, reste le cri de guerre du vendeur tout aussi bien que l’amateur de films. Bref, d’entre tous ces privilèges, le moindre, pour le cinéma, n’est certes pas d’ériger en raison d’être sa propre existence, et faire, par la même occasion, de l’éthique son esthétique1.  

Mais que reste-t-il de cette évidence éthique du cinéma ? A-t-elle seulement déjà existé ? N’est-elle pas une construction de l’esprit vouée à se renouveler au contact d’enjeux qui lui sont extérieurs et qui la dépassent ? Comment prendre le pouls de cette descente hégémonique de l’évidence cinématographique ? Dans l’univers médiatique dont, nolens volens, nous sommes les contemporains, ce qui jadis se proclamait comme une affirmation ne peut plus se formuler autrement que par une question, que nous sommes tous amenés à expérimenter quotidiennement : ça, c’est (toujours) du cinéma ?  
Lorsqu’on évoque le cinéma aujourd’hui, lorsqu’on discute de l’évidence ou de l’incertitude qui caractérise son identité au sein d’un environnement médiatique en apparence toujours plus complexe, les chances sont que les termes « mort » et « renouveau » seront rapidement évoqués. Pour certains, le cinéma n’est plus qu’une réalité désuète, un raccourci caduc, quoique pratique, pour évoquer un modèle communicationnel qui, à l’heure de la numérisation généralisée des médias, a perdu sa signification et son importance. Pour d’autres, à l’inverse, sa capacité à s’adapter aux bouleversements de la médiasphère a fait de lui quelque chose de plus qu’un dispositif ou qu’un média, quelque chose comme une interface culturelle dans laquelle viennent se réfracter les phénomènes médiatiques émergents.
Ce nœud gordien entre un regard tourné vers le passé et un autre braqué vers l’avenir ne doit pas être coupé, car il abrite le paradoxe qu’il nous faut explorer : comment la soi-disant obsolescence du cinéma peut-elle aussi servir de guide afin de penser les différents médias qui ont investi son modèle ? Parallèlement, est-il possible de replacer les questionnements identitaires qui ont structuré l’histoire du cinéma dans une histoire dynamique des médias qui tienne compte de la spécificité de chacun des dispositifs qui la constituent ? À partir de quels objets et de quelles méthodes peut-on espérer lever le rideau pour atteindre ce qui se cache derrière l’évidence – perdue ou retrouvée – de cette entité nommée « cinéma » qui meurt pour mieux renaître de ses cendres au contact des nouvelles technologies ? Dans le bouillonnement médiatique propre à notre contemporanéité, non seulement faut-il encore se demander ce qu’est le cinéma, mais, avec plus d’urgence, où (en) est le cinéma ?
Tel un défi lancé aux études cinématographiques et médiatiques, c’est dans le sillage de ces questions que souhaite se positionner le colloque du GRAFICS Où (en) est le cinéma ?, qui servira de courroie de transmission pour la nouvelle programmation scientifique de l’équipe, Le cinéma à l’épreuve des médias. Comprendre les identités cinématographiques dans la nouvelle écologie audiovisuelle (2017-2021). Membres réguliers, membres collaborateurs, postdoctorants, doctorants et chercheurs externes sont ainsi conviés à venir faire le point sur leurs recherches en cours et à ouvrir les horizons en présentant leurs recherches futures.   Sans restriction et sans exclusivité, les propositions pourront entre autres être axées sur l’un ou l’autre des sujets suivants : 

  • l’émergence du hors-film
  • ce que le cinéma doit à la télévision, et vice versa
  • les impacts de la miniaturisation des appareils sur la création artistique
  • la figure du spectateur à l’ère des dispositifs nomades
  • les plateformes de diffusion des films
  • l’écran dans tous ses états
  • les nouveaux défis de l’archive
  • l’histoire du cinéma aujourd’hui
  • l’enseignement du cinéma aujourd’hui
  • le nouveau rôle des cinéastes
  • la ludification du phénomène médiatique
  • l’hybridation des médias
  • le média comme interface culturelle
  • l’actualité des théories classiques du cinéma par rapport au cinéma numérique
  • le second souffle de la notion d’intermédialité  

Accompagnées d’une courte bibliographie ainsi que d’une notice biobibliographique (100 mots), les propositions de communications (en français ou en anglais), d’une longueur approximative de 300 mots, devront être envoyées à thomas.carrier-lafleur@umontreal.ca avant le lundi 6 février 2017. 
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1. Jean-Luc Godard, « Bergmanorama », Les Cahiers du Cinéma, no 85, juillet 1958, p. 1-2.