Colloque « Imaginaire des Amazones : pouvoir, sacrifice, communauté »
Université de Montréal
27-28 septembre 2018
De toutes les figures féminines de la mythologie antique appréhendées par les hommes et les dieux ressortent sans doute, outre les Gorgones et les Érinyes, les Amazones : cette communauté de femmes au sein coupé (pour mieux manier l’arc et la flèche dans les scènes de combat) incarne non seulement un pouvoir mythique pouvant amener les guerrières à anéantir l’ennemi, mais également le sacrifice (celui d’un corps amputé), le désir ou la nécessité de vivre en gynécée, donc à l’écart de la société, afin de faire valoir leurs propres valeurs. La mise en place d’une société dans la société et l’usurpation du pouvoir ont fait des Amazones les icônes d’un féminin redoutable parce que non domesticable, souverain parce qu’affranchi des normes et des conventions dominantes.
Il n’y a rien d’étonnant dans le fait que, dès les premiers mouvements de femmes, au fil du XIXe siècle et plus encore au XXe siècle, les militantes se trouvent associées aux Amazones, quand elles ne font pas elles-mêmes des personnages mythiques leurs figures d’identification. Gynocratie fondée sur les valeurs de sororité, de liberté et d’indépendance de la société des hommes, la communauté des Amazones propose, selon les divers récits mythologiques, une forme du vivre-ensemble inattendu qui leur permettait de réaliser un projet social et politique par l’instauration d’un contre-pouvoir, oudu moins d’un pouvoir parallèle.
Ce colloque sur l’imaginaire des Amazones sera donc l’occasion de se pencher sur les avatars modernes et contemporains de ces figures de femmes hors normes (suffragettes, femmes nouvelles, Golden Girls, Guérillères, Guerilla Girls, superhéroïnes à la Wonder Woman, Hyènes en jupon, Femen…) pour réfléchir sur les trois termes qui constituent le sous-titre du colloque : comment et dans quelles configurations, le pouvoir, le sacrifice et l’idéal d’une communauté sororale où la transmission se fait de mère en fille permettent-ils d’évoquer les Amazones dans un texte littéraire, une œuvre picturale, un film ?
Par l’étude des représentations des Amazones, il s’agira de déterminer les horizons du possible et les limites du pouvoir de ces figures de femmes, dont les hommes n’ont eu de cesse de diminuer voire d’annihiler la puissance. On posera la question de l’étendue de l’influence des discours qui font revivre le mythe pour évoquer un féminin associé à la profonde inquiétude pour les uns et à l’espoird’une société plus égalitaire pour les autres. Les axes de réflexion privilégiés seront les suivants :
- Figurations du mythe : comment le mythe des Amazones et ses reconfigurations dans la littérature et les arts visuels légitiment-ils le féminin affranchi ? Pourquoi cette figure mythologique serait-elle plus apte qu’une autre à symboliser la puissance féminine, à être l’instigatrice d’un projet social et/ou politique, de la modernité du XIXe siècle à l’époque contemporaine ?
- Pouvoir et puissance politiques : comment se manifeste le (contre-)pouvoir que détiennent les Amazones depuis la Belle Époque, que ce soit sur la place publique ou dans les représentations littéraires et picturales ? Comment, à travers leur statut d’exception, permettent-elles de poser un regard autre sur l’ordre social qu’elles menacent et perturbent à l’heure de la redéfinition des rôles genrés, du féminin et – inévitablement – du masculin ?
- Corps et sacrifice : de quelle manière le corps devient-il le moyen performatif d’une corporéité qui rompt avec un certain nombre de lieux communs du féminin, dont ceux de la passivité, de la soumission aux règles, de la modestie et de la souffrance ? Comment les Amazones gèrent-elles la perte et le danger de mort (en cas de guerre) ? Qu’en est-il du mythe de la virginité, forme de puissance ultra féminine, dès lors que l’acte sexuel a pour seul but la reproduction du sexe féminin ? Existe-t-il d’autres formes de mutilations corporelles chez ces femmes qui détiennent le pouvoir souvent par sacrifice ?
- L’idéal du gynécée : la nécessité de l’union des forces étant à la base de tout projet sociopolitique, comment la communauté des Amazones contribue-t-elle à les poser comme sujet autonome (face au sujet masculin) et à réhabiliter la place du féminin dans la Cité, notamment en s’installant dans ses marges ? Le fait de s’autoconstituer comme groupe marginal, maintient-il ces femmes dans le traditionnel statut de l’Autre ?
Les interventions, portant sur des œuvres parues depuis la seconde moitié du XIXe siècle (textes littéraires, essais, affiches, peintures, photographies, magazines féminins, films, etc.) pourront privilégier diverses approches méthodologiques tout en plaçant au cœur des interrogations une certaine facette de ces mythiques Amazones – modernes ou contemporaines – en lien avec la prise de pouvoir, la constitution d’une communauté de femmes, la mise en place de règles et de conventions alternatives par rapport au système dominant.
Les propositions de communication d’une longueur de 300 mots, accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, seront à envoyer au plus tard le 1er février 2018 à pascale.joubi@umontreal.ca et andrea.oberhuber@umontreal.ca.