Intitulée Par la bande : la marge dans la bande dessinée, la quatrième édition du CRAS (ou Colloque de recherche en arts séquentiels) propose aux chercheurs, créateurs et autres amateurs de bande dessinée d’explorer le thème de la marge par le biais de communications qui seront présentées le samedi 21 mai 2016 dans le cadre de la programmation OFF ! du Festival BD de Montréal.
Le CRAS propose à ses participants de s’intéresser à la marge en tant qu’élément spatial (en lien, notamment, avec la mise en page) et en tant qu’élémentidéologique, « la marge » constituant ce qui est généralement considéré comme à l’extérieur de « la norme ».
La marge comme élément spatial
En règle générale, on nomme « marge » l’espace qui entoure la zone dessinée. Cet espace pourrait constituer un objet d’étude, qu’on s’y intéresse en tant qu’élément esthétique (on pense aux contours intriqués rappelant les enluminures anciennes dans Habibi de Craig Thompson) ou en tant que lieu accordé à des éléments narratifs tels que la glose ou la prise de notes (un lieu que Zviane a laissé investir par ses collègues bédéistes dans la toute récente réédition, chez Pow Pow, du livrePing-Pong).
Par ailleurs, dans son Système de la bande dessinée, Thierry Groensteen rappelle que « les interstices blancs qui séparent les vignettes peuvent éventuellement être perçus comme des extensions réticulaires de la marge. De quadrilatère évidé qu’elle était, celle-ci se transforme, alors, en un labyrinthe » (p. 39). Dans cette acception, soutenue entre autres par Antonio Altarriba, « le terme de marge devient synonyme de “partie non recouverte du support” » (p. 39). Il serait donc également possible de s’intéresser aux différents usages de cet espace vierge de même qu’aux rôles de l’ellipse, l’espace interstitiel séparant les différentes cases étant un lieu où se nouent et se dénouent les tensions selon des paramètres que seul permet le médium de la bande dessinée. Un participant pourrait, par exemple, s’intéresser aux modalités particulières du passage d’une image à l’autre dans un corpus donné.
La marge nous intéressera également en tant que délimitation entre ce qui est donné à voir et ce qui se dérobe à la vue. Dans L’Art invisible, Scott McCloud soutient que « [l’]ellipse peut jouer un rôle important à l’intérieur des cases aussi bien qu’entre les cases, par exemple quand le dessin ne révèle qu’une petite partie de son sujet » (p. 94). Considérant cette avenue, un chercheur pourrait s’intéresser aux potentialités sémantiques et narratives de ce qui n’est pas montré dans la bande dessinée. À titre d’exemple, les premières pages de la bande dessinée Du chez-soi d’Ariane Dénommé pourraient constituer un objet d’étude particulièrement intéressant à cet égard ; un personnage d’agent immobilier y vante grassement les mérites d’une maison qu’il est en train de faire visiter, mais dont l’architecture est totalement invisible pour le lecteur, qui n’a plus qu’à remarquer les paroles toutes faites d’un vendeur entouré de pages maculées, véritables murs de papier.
Enfin, tout ce qui constitue le paratexte – les éléments entourant un texte et fournissant des informations à son sujet, d’après Gérard Genette – pourrait également être considéré comme appartenant à la marge, et donc constituer un objet d’étude. Comment la préface, la signature ou la quatrième de couverture interagissent-elles avec le corps de l’œuvre, par exemple ? À cet égard, il serait également possible de s’intéresser à la notion de parergon – élément(s) servant de cadre à l’œuvre, mais faisant à la fois partie de l’œuvre et du non-œuvre – telle que théorisée par Jacques Derrida.
La marge comme élément idéologique
D’aucuns considèrent la marginalité idéologique comme un jugement de valeur (positif ou négatif) associé à des œuvres dont le sujet ou le mode de production s’avère anticonformiste. À cet égard, on pourra bien sûr s’intéresser aux bandes dessinées issues de l’underground américain et à leur opposition à une culturemainstream, mais aussi à la pratique amateure de création bédéistique, au phénomène du fan art (et aux litiges qui peuvent l’entourer) de même qu’à la BD comme lieu de représentation de groupes marginalisés. À ce sujet, on pourrait notamment s’intéresser au rôle central d’un éditeur comme Image Comics, qui présente des personnages aux orientations sexuelles et aux origines ethniques diverses.
On pourrait également se pencher sur les modes de diffusion alternatifs que constituent la BD numérique, le fanzine ou les produits de consommation (comme la célèbre gomme Bazooka). Quelles possibilités offrent ces divers lieux de diffusion ? Comment ceux-ci influencent-ils notre rapport au médium de la BD ?
Enfin, les participants pourraient également s’intéresser à la marginalité de la bande dessinée en soi, si tant est que celle-ci soit toujours considérée comme art marginal.
Pour participer
Nous vous invitons à nous envoyer une proposition de contribution d’ici le lundi 8 février 2016 au info@cras.quebec, dans laquelle vous vous présenterez brièvement et exposerez — en trois cents à cinq cents mots — votre problématique.
Cette dernière devra mettre en évidence 1. quel rapport l’objet de votre réflexion entretient avec la thématique du colloque, 2. quelles questions suscite cet objet, 3. au moyen de quelle hypothèse vous souhaitez répondre à ces questions et 4. par quels moyens vous souhaitez vérifier cette hypothèse.
Veuillez indiquer clairement le titre de votre communication, ainsi que les œuvres sur lesquelles vous souhaitez travailler.
Votre proposition sera soumise anonymement à notre comité scientifique, qui l’évaluera en fonction 1. du respect de la thématique du colloque, 2. de la qualité de votre argumentation et 3. de la qualité de votre expression écrite.
Si votre proposition est retenue, vous disposerez, le jour du colloque, de vingt minutes pour présenter votre communication et de dix minutes pour répondre à des questions.
Le colloque aura lieu à Montréal ; nous préciserons où exactement aussitôt que possible.
Nous espérons que vous répondrez à cet appel et que nous aurons l’occasion de vous entendre le 21 mai prochain !
Pour obtenir plus de renseignements, contactez-nous au info@cras.quebec ou consultez notre page Facebook au www.facebook.com/colloqueras.
Très cordialement,
Le comité organisateur du CRAS
Anthony Charbonneau Grenier, étudiant à la maîtrise en lettres (CRILCQ – Université Laval)
Florence Grenier-Chénier, enseignante de littérature au Collège de Maisonneuve
Mathieu Laflamme, étudiant au doctorat en études et pratiques des arts à l’Université du Québec à Montréal
Marilyn Lauzon, enseignante de littérature au Collège Lionel-Groulx