25 mai 2010 – Université de Montréal
Organisée par Nova Doyon et Stéphanie Danaux
Problématique
Cette journée d’étude s’inscrit dans le cadre des travaux de l’équipe de recherche « Penser l’histoire de la vie culturelle » du CRILCQ, qui envisage la culture artistique au Québec (1895-1949) suivant une approche interdisciplinaire. Nous souhaitons interroger, à partir de la théorie des transferts culturels, la dynamique des échanges interculturels à travers les différentes étapes de sélection, de médiation et de réception des références étrangères par la culture artistique québécoise entre la fin du XIXe et le milieu du XXe siècle.
La théorie des transferts culturels analyse les mouvements de personnes, d’objets, de discours ou d’esthétiques entre deux espaces culturels. Ce principe méthodologique, élaboré par les germanistes Michel Espagne et Michael Werner (1988) pour étudier les emprunts que les cultures française et allemande se sont mutuellement faites depuis le XVIIIe siècle, met l’accent sur les processus de réception et d’appropriation opérés au cours de ce mouvement, ainsi que sur les vecteurs et supports du transfert. La théorie des transferts culturels n’insiste donc pas tant sur le déplacement lui-même que sur les enjeux qu’il masque, liés aux contextes de départ et d’accueil, aux médiateurs (personnes, objets, textes) et aux modalités du transfert. Même si la relation entre deux systèmes culturels est généralement asymétrique, cette méthode met en valeur le caractère actif des échanges entre les cultures d’origine et de réception : il y a sélection, transformation et assimilation des objets et pratiques culturelles en fonction des besoins de la société d’accueil et des motivations conjoncturelles (légitimation ou subversion d’un pouvoir, d’une position, d’une idéologie). Loin d’être un phénomène passif, le transfert culturel contribue à la création d’une production inédite. Il repose sur le désir d’affirmation identitaire de la culture réceptrice, lequel révèle, selon les cas, une volonté de différenciation ou d’intégration à un ensemble culturel plus vaste, dont la légitimité est reconnue.
Dans les études québécoises, la théorie des transferts culturels a été peu exploitée pour étudier les apports étrangers de la culture québécoise. Des chercheurs rassemblés autour de Laurier Turgeon, Denis Delâge et Réal Ouellet (1996) ont élargi le champ d’application de cette approche pour englober les sociétés non européennes et étudier les transferts culturels à l’oeuvre entre l’Europe et l’Amérique depuis le XVIe siècle. Plus récemment, Robert Dion (2007) a analysé la construction d’une référence allemande chez les auteurs de la revue Liberté. Pour sa part, Jean Morency, qui envisage les fondements pluriculturels des littératures canadiennes d’expression française (Chaire de recherche en analyse littéraire interculturelle à l’Université de Moncton), s’est notamment intéressé aux passeurs culturels entre le Canada français et les États-Unis (1920-1939). Dans ses travaux sur la culture médiatique au Canada francophone (2005), Lüsebrink a également appréhendé les almanachs des XIXe et XXe siècles comme des phénomènes d’interculturalité. Ces diverses recherches invitent à élargir l’analyse des transferts culturels à l’ensemble des pratiques artistiques québécoises de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle.
Cette approche nous semble particulièrement intéressante pour saisir les transformations que connaît la culture québécoise dès le tournant du XXe siècle, alors que les élites intellectuelles entreprennent de repenser le rapport de la culture québécoise au modèle hégémonique français et que la société québécoise entre dans une phase de modernisation (urbanisation, industrialisation, immigration massive). La théorie des transferts culturels semble indiquée pour saisir comment, à partir de quelles références et selon quelles stratégies, se renouvellent les pratiques artistiques de l’époque. C’est ce que nous souhaitons vérifier dans le cadre de cette journée d’étude.
Voici quelques-unes des questions qui pourront être abordées par les participants :
- Quelles références étrangères circulent et comment travaillent-elles le champ culturel québécois ?
- Quels enjeux idéologiques, économiques ou techniques un transfert culturel peut-il révéler ?
- Qui sont les principaux « passeurs » culturels de l’époque et quels sont leurs espaces de contact ?
- Quels sont les facteurs qui incitent un passeur culturel à sélectionner tel ou tel élément d’un modèle ? En fonction de quels critères définit-il les besoins de la société québécoise ?
- Comment le transit par la France de certaines références (pour des raisons de marché, de traduction) modifie-t-il la réception de celles-ci au Québec ?
- Dans quelle mesure l’étude des transferts culturels permet-elle de relativiser l’influence de la France au Québec ?
- Dans quels cas les références étrangères ont-elles pour fonction de légitimer ou, au contraire, de subvertir les structures de la culture d’accueil (pratiques artistiques, positions esthétiques, institutions) ?
- Quels sont les modèles artistiques étrangers, mais également urbanistiques, institutionnels, idéologiques, de la culture québécoise ? Comment sont-ils adaptés au contexte de production et de réception québécois ?
- Dans un espace culturel plurilingue (français, anglais, italien, yiddish) tel que le Québec dès le début du XXe siècle, peut-on constater des échanges interculturels entre les groupes ethniques ?
Informations pratiques
Cette journée d’étude se tiendra le 25 mai 2010 à l’Université de Montréal.
Nous invitons les collaborateurs des projets de « Penser l’histoire de la vie culturelle au Québec » (PHVC) ainsi que tous les chercheurs intéressés par cette problématique à nous soumettre une proposition de communication (titre et résumé) par courrier électronique avant le 15 février 2010.
Comité organisateur
Stéphanie Danaux, stagiaire postdoctorale de PHVC : stephdanaux@yahoo.fr
Nova Doyon, coordonnatrice de PHVC : nova.doyon@umontreal.ca