Journée d'étude « Pierre Bayard. Une pensée du paradoxe »
La journée d'étude « Pierre Bayard. Une pensée du paradoxe », sous la responsabilité de Claire Legendre (cochercheuse CRILCQ, Université de Montréal) et Bernabé Wesley (CRIST, Université de Montréal), est organisée conjointement par le Centre de recherche interuniversitaire en sociocritique des textes (CRIST), le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture au Québec (CRILCQ) et le Centre de recherche sur les théories et les pratiques de l'imaginaire (Figura).
La journée d'étude aura lieu le 25 octobre 2023, à l'Université de Montréal, pavillon Lionel-Groulx (C-8141) et sera suivi de deux rencontres avec Pierre Bayard les 26 et 27 octobre 2023, à l'Université de Montréal et à la Librairie du Square Outremont.
Description
Publié dans la collection « Paradoxe » des Editions de Minuit, qui semble avoir été baptisée tout exprès pour l’accueillir, l’œuvre de Pierre Bayard, professeur au Département de Littérature française, francophone et comparée de l’Université de Vincennes-Saint-Denis (Paris VIII), est notamment connue du grand public pour Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? (2007) où l’auteur invite le lecteur à construire avec le texte littéraire un rapport libre et décomplexé, fondé sur l’humour.
Inventeur de la critique « interventionniste », une approche des textes qui repose sur une « fiction théorique » prenant à rebours certains principes fondamentaux de la critique et de l’histoire littéraires, dans Le plagiat par anticipation, Bayard défend par exemple l’idée que les prédécesseurs plagient leurs successeurs, dans une perspective qui bouleverse la chronologie. Demain est écrit examine ainsi la possibilité que le futur soit lisible dans les textes littéraires, dont le caractère prémonitoire est repris dans Le Titanic fera naufrage.
La critique interventionniste peut porter sur l’auteur lui-même et affirmer, comme le fait L’énigme Tolstoïevski, que Tolstoï et Dostoïevski ne sont qu’une seule et même personne. Elle peut également modifier les œuvres, en relisant Agatha Christie, Shakespeare ou Sophocle, contester le dénouement d’une intrigue (Enquête sur Hamlet ; La vérité sur Ils étaient dix ; Œdipe n’est pas coupable). Bayard questionne les relations entre les champs théoriques (Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse ?), la relation entre réalité et représentation. Dans Il existe d’autres mondes (2014) et Comment parler des faits qui ne se sont pas produits (2020) Bayard étend son questionnement à la fécondité du faux, de la supercherie littéraire aux fakes news, de la sérendipité aux mensonges conjugaux, il postule une autorité du virtuel, une vérité de l’imagination, jusqu’à l’idée d’un monde romanesque qui ne serait qu’une version possible du réel, coexistant potentiellement avec toutes les autres. Cette approche presque « quantique » aboutit à une liberté renouvelée. Vrai ou fictif, qu’importe ? Puisque c’est pensé, que vous l’avez en tête à présent… L’exemple du chat de Schrödinger, à la fois vivant et mort, vient illustrer l’exercice intellectuel auquel nous convie Bayard.
Et si les œuvres changeaient d’auteur (2010), imagine, comme le fait Borges, ce qu’il adviendrait de quelques grandes œuvres si elles étaient écrites par d’autres. Cette approche, qui interroge le lien du texte à son auteur, permet d’imaginer une richesse nouvelle pour des œuvres que nous croyons avoir cernées. Cette réflexion est étendue au champ de l’histoire culturelle dans Et si les Beatles n’étaient pas nés ? Cette avenue introduit la dynamique d’une intertextualité échappant à la chronologie, et une invitation à penser l’ouvrage hors de son horizon d’attente, émancipé des contraintes discursives qui en limitent et en déterminent les contours. Une telle liberté qui permettrait, le temps de l’écriture, de s’affranchir de son identité sociale, des déterminismes familiaux, historiques, biologiques… pour écrire libéré d’une réception conditionnée par les circonstances.
A l’heure où l’intelligence artificielle vient remettre en question nos tâches et questionne la notion d’auteur, cet exercice nous semble particulièrement fécond pour la recherche-création en littérature.
Pour la recherche comme pour la création, l’œuvre de Pierre Bayard, riche de propositions stimulantes et inventives, nous ouvre l’éventail des possibles, libérant l’écrivain comme le lecteur. Elle sonne comme une invitation à enfreindre les règles, à réinventer les modalités de l’énonciation littéraire – effacer les frontières entre fiction et réalité, entre expérience et imagination, faire éclater la chronologie et les pactes d’écriture.
Programme
Mercredi 25 octobre
Université de Montréal, pavillon Lionel-Groulx (C-8141)
9h30 : Accueil des participants - Mot de bienvenue – Présentation de la journée par Bernabé Wesley (Université de Montréal) et Claire Legendre (Université de Montréal)
Séance 1 « De la contrainte à l’erreur : principes de lecture »
Président : Pierre Lyraud
10h : Jean-François Chassay (UQAM) « Georges Perec et Jacques Roubaud plagiaires par anticipation de Pierre Bayard dont la justesse des thèses seront ici rappelées »
10h30 : Bernabé Wesley (Université de Montréal) « De l’erreur considérée comme un des beaux-arts : l’inspecteur Bayard mène l’enquête »
11h : Pause
Séance 2 « Enquêtes et contre-enquêtes »
Président : Martin Hervé (stagiaire postdoctoral CRILCQ, Université de Montréal)
11h10 : David Bélanger (UQTR) « On a tué Madame Bovary ? Surenquête »
11h40 : Simon Dansereau-Laberge (UQAM) « Contrefactualité, jeu(x) et littératures dans l'écriture bayardienne »
12h10 : Robert Séguin (UQAM) « Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? La raison en spectacle »
12h40 : Lunch
Séance 3 « Elargissement des textes possibles »
Présidente : Frédérique Bernier
14h : Karianne Trudeau Beaunoyer (Université de Montréal) « Les vertus du “faire comme si” : une méthode pour simuler, dissimuler et stimuler »
14h30 : Ralph El Awani « Application : roman du marché des comportements futurs. Le deuxième “non” de la “non-fiction” »
15h : Pause
Séance 4 « Vérités de la fiction : dissimuler, changer de nom »
Présidence : Marie-Pascale Huglo (cochercheuse CRILCQ, Université de Montréal)
15h10 : Jean-François Vaillancourt (Université de Montréal) « Pratique de non-écriture : un exercice d'occultation »
15h40 : Claire Legendre (Université de Montréal) « La fiction, monde parallèle : pratiquer l’hétéronymat dans la bibliothèque de Babel »
16h10 : Fin de la journée
Jeudi 26 octobre
Université de Montréal, pavillon Lionel-Groulx (C-8141)
11h : Entretien avec Pierre Bayard
Vendredi 27 octobre
Librairie du Square Outremont
17h30 : Pierre Bayard présentera son nouveau livre Hitchcock s'est trompé (Éditions de Minuit) + Rencontre avec les lecteur·rices