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Séminaire du CRILCQ « Littérature et culture québécoises : les héritages détournés de la littérature québécoise contemporaine »

Professeure : Martine-Emmanuelle Lapointe 

1. Objectifs et contenu

Dans un tout récent dossier de la revue Acta Fabula éloquemment intitulé « Tombeaux pour la littérature », plusieurs chercheurs se sont intéressés aux polémiques et aux discours entourant l’agonie, voire la fin de la littérature à l’époque contemporaine. De Richard Millet à William Marx, en passant par Tzvetan Todorov, nombreux sont les critiques qui ont dit la vacuité d’une littérature hantée par le culte de l’instant et la perte des traditions. Pour les plus âpres contempteurs de la littérature actuelle, l’écrivain contemporain évoluerait dans un monde désenchanté peuplé des spectres d’un passé glorieux. Il ne vivrait qu’avec son temps, tel un amnésique dépourvu d’idéal et de distance historique. Les débats sur la mort de la littérature débordent largement les frontières de la France et de l’époque contemporaine et auraient animé – sous différents prétextes – de nombreux auteurs européens. Si ces derniers se permettent d’invoquer la grandeur et la richesse perdues de cultures jadis universellement reconnues et célébrées, les écrivains québécois ont presque toujours semblé dépourvus d’une telle certitude. Fille de plusieurs parents, héritière de legs nombreux, la littérature québécoise peine depuis ses débuts à se créer une histoire et une mémoire qui lui seraient propres. De l’exiguïté du corpus (F. Paré) à l’absence de maîtres (M. Biron), en passant par « les courants d’air » (G. Marcotte) d’une jeune institution, nombreuses sont les études qui mettent en évidence la précarité des canons et des traditions de l’histoire littéraire québécoise. Comment hériter dans un tel contexte ? Comment construire une mémoire littéraire si les classiques et les figures du grantécrivain se font rares ? Comment les « traditions de lecture » sont-elles fabriquées, racontées et subverties ? La déshérence, le désenchantement, le syndrome de la perte sont-ils indissociables de la tradition littéraire locale ou font-ils plutôt partie de la culture contemporaine ? Plus de vingt ans après la parution de L’Écologie du réel de Pierre Nepveu, la littérature québécoise est-elle toujours animée par « [le] paradoxe d’une auto-mutilation qui se voudrait une guérison et une façon de renaître » ? 
  
Dans le cadre de ce séminaire, nous tenterons de répondre en partie à ces questions en étudiant le détournement et la subversion des héritages historiques, culturels et littéraires dans un corpus d’essais et de romans québécois contemporains. Nos réflexions s’inscriront dans une perspective historique et herméneutique à la fois. Il s’agira, d’une part, de relativiser certains lieux communs sur la crise de la culture et de la transmission à l’époque contemporaine en nous intéressant plus particulièrement à la borne temporelle de 1980 qui, dans le discours des historiens et des critiques littéraires, se présente souvent comme le contrepoint sombre et désenchanté de l’année 1960. D’autre part, nous privilégierons le point de vue du personnage de l’héritier, lecteur d’une histoire singulière et collective à la fois, en étudiant les attitudes esthétiques et idéologiques qu’il adopte à l’égard des savoirs qui lui sont transmis. Dans un contexte de crise potentielle de la transmission, ou du moins d’ébranlement des repères sociohistoriques, la figure de l’héritier témoigne à sa manière des apories liées à la construction des filiations culturelles. Son discours ne reconduit pas tant le mythe d’une tabula rasa absolue que l’idée d’une mémoire et d’une culture empreintes de négativité. Qu’il évoque « l’héritage de la pauvreté » (Rivard), les « lignées tragiques » (Mavrikakis) ou la culture crépusculaire qui hantent le contexte québécois contemporain, le personnage de l’héritier atteste l’existence de ses relations, même précaires, avec le passé. 

2. Bibliographie

a. Principales œuvres étudiées

  • Un recueil de textes rassemblant des essais sur la littérature québécoise parus après 1980 sera disponible à la librairie universitaire.
  • Hamelin, Louis, La Constellation du lynx, Montréal, Boréal, 2010.
  • Jacob, Suzanne, Rouge, mère et fils, Montréal, Boréal, 2001.
  • Rivard, Yvon, Le Siècle de Jeanne, Montréal, Boréal, 2005. 
      
    *Une liste plus complète de textes pertinents sera distribuée à la première séance du séminaire.  

b. Corpus critique et théorique (sélection)

  • « Bibliothèques imaginaires du roman québécois », sous la direction d’Élisabeth Nardout-Lafarge, Études françaises , vol. 29, no 1, printemps 1993, p. 7-168.
  • Biron, Michel, L’Absence du maître, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, « Socius », 2000.
  • Demanze, Laurent, Encres orphelines : Pierre Bergounioux, Gérard Macé, Pierre Michon,Paris, José 
    Corti, 2008.
  • Dumont, Fernand, Le Lieu de l’homme. La culture comme distance et mémoire, Montréal, HMH, « H », 1971.
  • « Figures de l’héritier dans le roman contemporain », sous la direction de Laurent Demanze et de Martine-Emmanuelle Lapointe, Études françaises, vol. 45, no 9, 2009, p. 5-150.
  • Flem, Lydia, Comment j’ai vidé la maison de mes parents, Paris, Seuil, « Librairie du XXIe siècle », 2004.
  • Ricœur, Paul, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, « L’ordre philosophique », 2000.
  • Samoyault, Tiphaine, Littérature et mémoire du présent , Nantes, Pleins Feux, « Auteurs en questions », 2001.

3. Évaluation

  • Une courte intervention orale : 15 %
  • Un exposé : 30 %
  • Un travail écrit : 50 %
  • Participation : 5 %