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Atelier « Écriture et dépression : poétique de l'antidépresseur »

Lundi 15 mai 2006
Atelier « Off-ACFAS »
CRILCQ/Université de Montréal
Pavillon Lionel-Groulx, local C-8141 
Organisateurs :
Christian Saint-Germain (UQAM)
Catherine Mavrikakis (Université de Montréal)
Avec la collaboration du CRILCQ
Pour informations : 514-343-7369

L’histoire des accaparements, des dépendances reste à faire. Toute les politiques sociales sont indissociables des modes succédanés de remplacement de l’esclavage et du développement de moyens de sujétion alternative. Hormis les vues de l’esprit célébrant l’affranchissement et l’émancipation il n’est rien que l’homme préfère autant que de se sentir dans les fers. L’expérience de la chute libre individuelle n’est jamais autrement récupérée que par des reprises de possession collectives terrifiantes. L’auto-médication généralisée n’est pas le moindre de ces moments.Les représentations de la détresse psychique constituent le négatif de l’horizon heureux des sociétés avancées. Elles n’ont rien à voir avec les figures de l’animalité que l’on prêtait jadis au furieux ou au dément, mais apparaissent comme l’effet d’un extrême démaquillage. Pour illustrer la dépression, les publicitaires composent un visage de femme dont le désarroi, à sa «face même», se passe de lecture et renvoie immédiatement à la promotion de la molécule. Un visage, une allure qui ne tournent pas rond doivent trouver chez le pharmacien la judicieuse prothèse, s’assurer d’un «bonheur orthopédique». «Et la conscience devenue incapable de saisir cette souffrance et ses causes — et donc d’intervenir pratiquement pour y remédier — se forme et s’entretient dans ces mêmes conditions de vies délirantes.» Scruter le malaise social signifie descendre dans les strates d’une géologie subjective dont toute l’uniformité ne tient qu’à la croûte instable des désillusions successives sur soi et son environnement. Le moral des troupes, celui des vagues d’inconnus attendant la permission de traverser les artères des grandes villes, doit être entretenu par tous les moyens. Désormais ce qui traite le malaise est ce qui commande la collaboration la plus fine avec l’appareil qui la rend nécessaire. La connexion est intime entre les domaines médicale, moral, mais aussi économique : prêter secours à l’anxieux ou au dépressif a pour objectif de le remettre au travail, non de mettre en lumière des contradictions et de relire des symptômes. Le contexte extérieur de la prise du médicament reste intrigant. Des individus sans antécédents psychiatriques, qui ne sont pas non plus socialement soumis à des rapports de domination, qui sont convenablement traités, qui jouissent d’une vie confortable, reçoivent des bouffées d’angoisse, subissent des moments de pure panique. Ils ne souhaitent pas entrer en amitié avec l’incoercible dedans agité qui les pousse à augmenter les doses ni raconter à quiconque l’inconfort physiologique du tourment. Ils ne veulent pas non plus assumer de rupture avec les forces du monde qui les affectent et refusent de donner sens à une réalité intérieure. Non par mauvaise foi mais par désespoir discret devant ce qui été éprouvé au plus fort de la crise. Ce qui se laisse voir dans le moment douloureux n’advient pas à la communication ou à la confidence; seulement le fait d’être mal, hors de toutes proportion. Ce colloque interdisciplinaire vise à questionner l’usage important des antidépresseurs pour vivre dans les conditions actuelles des sociétés de consommations avancées. Le marché de l’antidépresseur en continuelle expansion force à explorer l’ambivalence éthique et esthétique du point de vue des sujets. Supplément de maquillage ou addiction légale? Esclavage ou artifice de la promotion de soi? La complexité de cet état de fait commande une écoute transdisciplinaire du phénomène.

Programme 

  • 9:00 Accueil et mot d’introduction
  • 9:30 Christian Saint-Germain (UQAM)
    Addiction et maquillage
  • 10:00 Maurice Boutin (McGill)
    Le bonheur, une affaire de molécules ?

10:30 Pause 

  • 11:00 Guy-Robert St-Arnaud (Université de Montréal)
    Le médicament comme signe d’amour, et la psychanalyse ?
  • 11:30 Marcelo Otero (UQAM)
    Récits de malheur et de bonheur : la subjectivité riche et ambiguë des antidépresseurs

12:00 Dîner

  • 14:00 Marc-Alain Wolf (Hôpital Douglas)
    L’ambiguïté des discours sociaux sur l’usage des antidépresseurs
  • 14:30 Michaël La Chance (UQAC)
    Auto-intoxication et littéralité meurtière: l’écriture de William Burroughs

15:00 Pause

  • 15:30 Patrick Poirier (CRILCQ/Université de Montréal), 
    La nuit, inoculée: «Les salicaires» de Jacques Ferron. Addendum pour une poétique du désastre (II)
  • 16:00 Catherine Mavrikakis (Université de Montréal)
    Femmes sous influence et détresse psychique